Radical.
Chaleur réduite, non-aggressive, un ou deux brefs orages plus ou moins désirés en passant : température propice à redécouvrir "L'Été grec", dans une ré-édition revue, corrigée et augmentée, qui ne fait qu'ajouter au plaisir de lire, ravivant le souvenir moelleux de sa découverte, l'année de sa parution, en 1975.
Dans un tout autre esprit, ayant eu le bonheur depuis lors de visiter la Grèce à plusieurs reprises.
On est là évidemment à mille lieux de la médiocrité et de la vulgarité des temps. Qui verraient sans doute, sans s'en formaliser, un abruti quelconque taxer d'islamophobie l'excellent Jacques Lacarrière, osant, lors d'un des ses séjours sur le Mont-Athos, ces quelques lignes (nous sommes dans les années cinquante) :
"Je n'ai jamais eu de culte excessif pour les manuscrits ni pour la calligraphie. En regardant certains d'entre eux à Vatopédi, sous l'œil tenace et soupçonneux d'un moine, en touchant ces parchemins ridés comme la peau d'un vieillard momifié, je me sentais partagé entre l'admiration et l'agacement. Cette minutie dans le détail, cette écriture muée en dessin, cette patience méticuleuse et souvent tatillonne dénotent peut-être un certain amour du contenu mais plus encore le culte de l'écriture en tant que telle.
C'est une fascination dangereuse que cette vénération du Livre pour le Livre. Chose étrange, elle fut surtout le fait de religions à caractère radical, comme le manichéisme et l'islamisme.
On y devine le souci de préserver à tout prix la parole première sous une forme ne varietur, afin d'éliminer les variantes et les hérésies. Mais cela entraîne inévitablement, dans la matérialité de l'écrit, une dévotion à l'égard de la forme qui explique l'importance des scribes dans ces deux religions. (...) La vue de ces milliers de textes, dépositaires d'une parole qui fut si libératrice en son temps pour n'être plus aujourd'hui qu'un verbe historié, me donnait le vertige. Un vertige que la lumière éblouissante du dehors, après la pénombre des lieux, mit fort longtemps à dissiper."
"Verbe historié"... ce qui ne serait pas si grave, non abreuvé d'ignorance, porteur de haine, couvert de sang.
Mais peut-être que ladite parole jamais ne fut réellement "libératrice"...
Même si "au commencement était le verbe"...
Celui là ou un autre...
Commentaires
Enregistrer un commentaire