Creuser avec Cioran. Et Sergio Leone.

On peut fort bien, suivant le propos de Cioran en son jeune âge, envisager le monde et ses catégories ainsi : "Les hommes se divisent en deux catégories : ceux à qui le monde offre des occasions d'intériorisation et ceux pour qui il demeure extérieur et objectif. 
Pour l'intériorisation, l'existence objective n'est qu'un prétexte. Ainsi seulement elle peut prendre une signification, car une téléologie objective ne se fonde et ne se justifie qu'au moyen de certaines illusions, lesquelles ont pour défaut qu'un regard pénétrant les démasque aisément. Tous les hommes voient des feux, des tempêtes, des éboulements ou des paysages mais combien y voient des flammes, des éclairs, des vertiges ou des harmonies ? Combien pensent à la grâce et à la mort en regardant un incendie ? Combien portent en eux une beauté lointaine qui teinte leur mélancolie ? Pour les indifférents, à qui la nature n'offre qu'une image fade et glaciale, la vie est, même si elle le comble, une somme d'occasions perdues."
Et de poursuivre que "les forcenés de l'intériorisation sont capables de puiser, dans l'aspect le plus insignifiant de la nature, une révélation symbolique."
Certes.

Il n’est cependant pas interdit de préférer la concision, le sens de l’ellipse qui disent la seule considération du Réel d’un Blondin / Clint Eastwood expliquant, avec les mots de Sergio Leone, les choses de la vie à Tuco / Eli Wallach :  "You see, in this world, there is two kinds of people, my friend: those with loaded guns and those who dig. You dig."



À la vue de cette séquence, sans doute pourrait-on revenir un instant vers Cioran pour une ébauche de conclusion : "Le processus suivant lequel la conscience a divisé les hommes en deux grandes catégories est des plus étranges. Il explique pourquoi l'homme est un être si peu consistant, incapable de trouver son centre d'énergie et d'équilibre.
Ceux que leur conscience a portés vers l'intériorisation, le supplice et la tragédie, aussi bien que ceux qu'elle a lancés dans l'impérialisme illimité du désir d'acquérir et de posséder sont, chacun à sa manière, malheureux et déséquilibrés."


Blondin, Tuco ? Malheureux ? Déséquilibrés ? 

Humains.


Commentaires