Soir bleu.
J'ai eu l'occasion de dire, il y a quelques semaines, et à propos de Bukowski, tout le bien que je pouvais penser du sous-genre dit "Docu-BD" - "graphic novel" en V.O.
En voici un consacré à Edward Hopper, remarquable, - comme quoi... - d'origine italienne et bien entendu non-disponible à ce jour en édition française, sous la signature de Sergio Rossi pour les textes, et Giovanni Scarduelli pour le graphisme.
On évoquera ici l'édition américaine, acquise lors de la rétrospective Hopper du Whitney en 2022.
Quatre chapitres, dont l'un consacré au "Soir bleu" (1914), référence au vers de Rimbaud" Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers", éreinté par la critique lors de sa présentation au point qu'Hopper le retira de toute exposition publique et que le tableau ne fut retrouvé qu'après sa mort - aujourd'hui parmi les plus fameux, et dans la collection permanente du Whitney, qui permettent une approche sensible et intelligente du couple Hopper, de la singularité d'une œuvre sans réelle influence antérieure, hors de tout courant, et trop souvent réduite à un ou deux tableaux - trop vus.
Tiré de l'introduction, comme un avant-goût sous la plume de Sergio Rossi :
"After writing his story, however, I am left with two interpretations of his work.
The first concerns the closeness of his intentions to those of Wassily Kandinsky (a comparison that Hopper would have deemed blasphemous). In his diaries, Kandinsky writes that his research in abstract art originates from the expression of what he feels in his soul, without utilizing the elements of reality, even if he recognizes the difficulty of knowing how to replace them. In the same manner, Hopper always declared that he was not a realist painter because what he paints is what he feels inside himself, and not what he sees outside, and that this misunderstanding is due to the fact that he utilizes the elements of the reality in which he lives. The second interpretation is an affinity with Herman Melville, the author of Moby Dick. In describing the era in which his novel is set, Melville recognizes very clearly that this America no longer exists, and that it is precisely this disappearance that transforms it into an elsewhere that renders the story of the hunt for the white whale eternal. In the same manner, Hopper has depicted in his paintings an America that doesn't exist, thereby constructing a mythological territory in which men and women from all cultures and all periods can locate themselves."
Une fois racontée sa vie, demeurent en moi deux interprétations de son oeuvre.
La première est relative à la proximité de ses intentions face à celles de Wassily Kandisky (rapprochement qu'Hopper aurait tenu pour blasphème).
Dans son journal, Kandisky souligne que sa recherche en abstraction trouve son origine dans l'expression de ce qu'il ressent dans son âme, sans utilisation aucune d'éléments du réel, même s'il se dit conscient de sa difficulté à les remplacer. De la même manière, Hopper a toujours soutenu qu'il n'était pas un peintre réaliste car il peignait ce qu'il ressentait en lui-même et non ce qu'il voyait à l'extérieur, et que ce malentendu résultait du fait qu'il utilise les éléments de la réalité dans laquelle il évolue.
La deuxième interprétation résulte des affinités qu'il ressent à l'égard d' Herman Melville, l'auteur de Moby Dick. En décrivant l'époque dans laquelle il situe son roman, Melville reconnaît très clairement que cette Amérique-là n'existe plus, et c'est précisément cette disparition qui le transpose dans un ailleurs qui fait cette chasse à l'éternelle baleine blanche.
De la même manière, Hopper peint une Amérique qui n'est pas, en retraçant un territoire mythique dans lequel hommes et femmes de toutes cultures et de tous temps peuvent s'inscrire d'eux-mêmes.
© traduction maison
Sergio Rossi / Giovanni Scarduelli.
Edward Hopper, Pittore del Silenzio. Ed. Centauria 2019.
Edward Hopper. The story of his life. Prestal Verlag 2021.
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