Spinoza dans le Bronx.

"J'étais illettré, n'ayant pas même un dictionnaire sous la main, aussi étudiai-je le Talmud pour essayer de prendre une revanche sur mon père avec des mots. La seule bibliothèque de Morrisania se trouvait dans le quartier noir de Boston Road. Je m'y rendis, loup blanc solitaire, pour emprunter une petite biographie de Spinoza. 
Ce polisseur de verres fut pour moi une révélation. Il avait défié tous les patriarches de la vieille Amsterdam en prétendant que l'univers échappait à la juridiction de Jehovah. Il le comparait à une horloge géante soumise à des lois musicales et mathématiques. Spinoza polissait ses verres dans la solitude et je souffrais en lisant son histoire, moi l'enfant de La Nouvelle-Amsterdam du Bronx. 
Je n'avais cependant pas de chance avec mon père. Au nom de Spinoza, je le dénigrais, lui parlais d'horloges dans le ciel (j'avais douze ans) et il me tapait dessus avec un balai."

Retour - trente, trente-cinq ans plus tard - au Metropolis de Jerome Charyn. Un des grands livres sur New-York.
Et aucun souvenir de ce passage ni de l'évocation même de Spinoza dans le Bronx des années quarante.

Après tout, il y a bien d'autre façons plus rébarbatives d'entrer dans le monde de celui que Flaubert saluait ainsi dans une lettre à George Sand de 1874 : "Nom de Dieu, quel homme ! Quel cerveau ! Quelle science et quel esprit !

Mais sans grands risques de coups de balai en retour...




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