Frigorifiante Päffgen
Il ne neigeait pas, non.
Mais je me souviens du froid glacial intensifié par le mistral de cette nuit aixoise de Janvier.
Faut dire qu'entre l'Afrique noire, la Corse puis Nice, le froid était une notion relative pour moi.
Janvier donc. 74 ou 75, plutôt 75.
Je me souviens du lieu : ce qu'était une supposée "Faculté des Lettres et des Sciences humaines" en ces temps relève aujourd'hui de l'inconcevable. Murs lépreux qui semblaient ne tenir que par l'épaisseur des affiches apposées, bombages, papiers gras, odeurs de fumée et d'urine jamais entièrement dissipées par un vent insistant, vitres cassées, portes défoncées. Tout ce qui leur semblait sans doute indispensable à l'avènement de la grande Révolution prolétarienne prêchée en ces lieux.
Pour les humanités, prière de s'adresser ailleurs.
Ces lieux qui n'étaient pas les miens, je ne les fréquentais que pour assister à un concert.
Imaginez un grand amphi marronnasse délabré de plusieurs centaines de places.
Qui abritait (?) ce soir là une cinquantaine de spectateurs tout au plus, grappes éparses en surplomb de l'estrade.
Sur celle-ci, un petit harmonium autour duquel s'affairaient deux ou trois personnes qu'on n'ose dire techniciens ou roadies. Des potes de l'artiste plutôt, donnant un coup de main.
Je me souviens d'une lumière jaunâtre, blafarde qui tombait de quelques spots, étique.
Qui se réduisit en une flaque blanche à l'entrée de Nico.
Je ne savais pas grand chose d'elle à l'époque. Et ma venue solitaire ce soir là tenait pour l'essentiel à la curiosité de voir l'ex-chanteuse d'un groupe mythique et flou - le Velvet Underground.
Je ne le connaissais pour l'essentiel que par les reprises qu'en faisait Lou Reed, dont la carrière solo avait enfin décollé grâce à Bowie.
Fellini, Gainsbourg, Warhol évidemment. Quant à leur rapport exact avec la chanteuse, actrice, mannequin ...
Du concert me reste le souvenir précis d'une femme splendide qui n'était déjà plus belle.
D'une voix approximative et rauque martyrisant The End, lestant cet hymne du temps du pathos de ses amours morrisonniennes.
Des deux ou trois titres habituels du fameux premier album du Velvet. C'est tout.
Du reste, probablement extrait de ses deux ou trois albums solos, d'une "My funny Valentine" sans doute encore rendue possible par son état de santé de l'époque, rien.
Mais de la peine ressentie à la voir ainsi, perdue dans cet amphi, s'échinant sur ce misérable harmonium face à un auditoire pour l'essentiel envapé, j'en ai gardé l'empreinte.
Les faux souvenirs, c'est à dire les vraies émotions, viendront ensuite au fur et à mesure de la découverte du chemin de croix que fut sa vie. Du Berlin nazi à l'Ibiza hippie à la comique et mortelle chute en bicyclette.
Elle n'avait pas les moyens de régler l'addition présentée par la vie en paiement de sa beauté.
La vie se paya donc autrement. Sur la bête.
My funny Valentine.
(Rodgers / Hart).
From Camera Obscura (1985).
https://youtu.be/pvE9WRM86Hs
Mais je me souviens du froid glacial intensifié par le mistral de cette nuit aixoise de Janvier.
Faut dire qu'entre l'Afrique noire, la Corse puis Nice, le froid était une notion relative pour moi.
Janvier donc. 74 ou 75, plutôt 75.
Je me souviens du lieu : ce qu'était une supposée "Faculté des Lettres et des Sciences humaines" en ces temps relève aujourd'hui de l'inconcevable. Murs lépreux qui semblaient ne tenir que par l'épaisseur des affiches apposées, bombages, papiers gras, odeurs de fumée et d'urine jamais entièrement dissipées par un vent insistant, vitres cassées, portes défoncées. Tout ce qui leur semblait sans doute indispensable à l'avènement de la grande Révolution prolétarienne prêchée en ces lieux.
Pour les humanités, prière de s'adresser ailleurs.
Ces lieux qui n'étaient pas les miens, je ne les fréquentais que pour assister à un concert.
Imaginez un grand amphi marronnasse délabré de plusieurs centaines de places.
Qui abritait (?) ce soir là une cinquantaine de spectateurs tout au plus, grappes éparses en surplomb de l'estrade.
Sur celle-ci, un petit harmonium autour duquel s'affairaient deux ou trois personnes qu'on n'ose dire techniciens ou roadies. Des potes de l'artiste plutôt, donnant un coup de main.
Je me souviens d'une lumière jaunâtre, blafarde qui tombait de quelques spots, étique.
Qui se réduisit en une flaque blanche à l'entrée de Nico.
Je ne savais pas grand chose d'elle à l'époque. Et ma venue solitaire ce soir là tenait pour l'essentiel à la curiosité de voir l'ex-chanteuse d'un groupe mythique et flou - le Velvet Underground.
Je ne le connaissais pour l'essentiel que par les reprises qu'en faisait Lou Reed, dont la carrière solo avait enfin décollé grâce à Bowie.
Fellini, Gainsbourg, Warhol évidemment. Quant à leur rapport exact avec la chanteuse, actrice, mannequin ...
Du concert me reste le souvenir précis d'une femme splendide qui n'était déjà plus belle.
D'une voix approximative et rauque martyrisant The End, lestant cet hymne du temps du pathos de ses amours morrisonniennes.
Des deux ou trois titres habituels du fameux premier album du Velvet. C'est tout.
Du reste, probablement extrait de ses deux ou trois albums solos, d'une "My funny Valentine" sans doute encore rendue possible par son état de santé de l'époque, rien.
Mais de la peine ressentie à la voir ainsi, perdue dans cet amphi, s'échinant sur ce misérable harmonium face à un auditoire pour l'essentiel envapé, j'en ai gardé l'empreinte.
Les faux souvenirs, c'est à dire les vraies émotions, viendront ensuite au fur et à mesure de la découverte du chemin de croix que fut sa vie. Du Berlin nazi à l'Ibiza hippie à la comique et mortelle chute en bicyclette.
Elle n'avait pas les moyens de régler l'addition présentée par la vie en paiement de sa beauté.
La vie se paya donc autrement. Sur la bête.
My funny Valentine.
(Rodgers / Hart).
From Camera Obscura (1985).
https://youtu.be/pvE9WRM86Hs
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