Mon avant-guerre. III.

"Au fond, la guerre est peut-être réellement fille de la civilisation, puisque la possibilité d'engager une guerre présuppose un minimum de technique et d'organisation, ainsi qu'un excédent de richesses sur ce qui est strictement nécessaire à la subsistance."

Retour vers des humanités où l'on se devait de lire Toynbee, les synthèses de son "Étude de l'Histoire", et notamment son fondamental "Monde et l'Occident"Ici, on replonge dans "Guerre et Civilisation" (Gallimard, 1953) pour s'aider à penser l'Ukraine autrement qu'avec les "spécialistes et experts" des plateaux télé.

Autre chose, sur le pacifisme : "L'écueil le plus évident qui se dresse sur la route du pacifisme, c'est que les pacifistes sont obligés de se dire que si leur action était efficace, son premier effet serait de mettre les États dans lesquels le pacifisme serait une force politique appréciable à la merci de ceux dans lesquels il serait impuissant, ce qui reviendrait à permettre aux gouvernements les moins scrupuleux des puissances militaires les plus aveugles de se rendre d'emblée maîtres du monde".

Enfin ceci, d'une actualité permanente : " Dans un concours de vertu entre le guerrier employant la violence et le saint qui y renonce, le saint remporterait aujourd’hui une victoire morale qui porterait demain des fruits concrets. Mais malheureusement, les héros du drame qui oppose le pacifisme et la guerre ne sont pas un guerrier et un saint tous deux revêtus la même armure de vertu, ce sont le guerrier qui, vertueux ou non, a le courage de risquer sa vie et son intégrité, et le mortel ordinaire qui recule devant la peine et le danger. (...) Il vaudrait mieux que le personnage pusillanime qui est poussé à se dérober devant la guerre, non pas par l'horreur de commettre un péché, mais par l'infirmité commune de la nature humaine, s'efforce au moins de s'élever jusqu'au niveau du guerrier s'il sait que l'altitude du saint lui est interdite".

Nous aurons toujours le loisir d'organiser de grandes marches blanches avec bougies et chandelles, en ânonnant "Imagine"... 
Le guerrier, rigolard, se fera un plaisir de nous y autoriser. 
Et le saint... il n'y a pas de saints.




Commentaires

  1. J'ai beau être le contraire d'un belliciste il m'a toujours paru évident qu'une armée forte est le gage d'une paix territoriale durable. L'antimilitariste primaire n'admettra jamais qu'il doit même à des soldats sa chance de pouvoir en toute quiétude donner libre cours à sa chimère.

    Votre dernière citation me rappelle l'idée farfelue de Simone Weil (esprit parmi les plus brillants de son temps mais jamais avare d'extravagances) d'opposer un escadron de bonnes sœurs aux beaux et jeunes soldats nazis envoyés en première ligne (sélectionnés durant les premiers mois de la guerre pour impressionner l'adversaire en bons véhicules de l'idéologie). Les beautés morale et physique s'affrontant.

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  2. Simone Weil l'a proposé, Jean Genet l'a concrétisé...

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  3. De quelle façon ? Un livre j'imagine, mais lequel ? J'avoue n'avoir gardé en mémoire que son Journal du voleur et ses Bonnes.

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    1. Mmmm... disons qu'il a volontiers fait don de son corps à ces "beaux et jeunes soldats nazis" venus faire du tourisme en France que vous évoquez...

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    2. Ah j'y étais pas... Effectivement il évangélisait à sa façon ^^

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    3. Je viens de lire des passages de Pompes funèbres, livre polémique à cause de son nazisme supposé. Mais il ne s'agit là encore il me semble que de l'homoérotisme genétien habituel : mortifiant et provocateur.

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    4. Je ne le crois pas particulièrement nazi ou sympathisant ... Il s'en accommodait comme de n'importe quelle position politique : ultra-gauchisme, socialisme, etc. Un point commun sans doute à tout cela : un antisémitisme viscéral qui lui sera pardonné ou jeté sous l'hypocrite voile de la bien-pensance de gauche car accompagné d'un anti-américanisme forcené. Qui lui vaudra tous les passeports délivrés par le Parti du Bien.

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    5. Tout ça me donne une furieuse envie de relire cet époustouflant chapitre in La Littérature er le Mal que Bataille consacre à la fois au Saint Genet de Sartre et à Genet lui-même. Quand les marottes et styles de la trinité Bataille-Sartre-Genet s'interpénètrent...

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