Seingalt.
(...) le message du destin qui ne faisait jamais que dire : "Je suis là, nous sommes liés, voilà." Le message se réduisait toujours à cela. Et lui, il prêtait toujours attention à cet appel, à cette voix comme le fauve dans la jungle. Il tendait l'oreille, ses yeux brillaient, il se redressait. Et il allait dans la direction de la voix, de l'appel, flairant la trace, l'oreille dressée, aux aguets, avec un instinct infaillible.
C'est de cette façon que l'appelaient les jeunes et les belles, les mûres et les fanées, les déguenillées et les épisodiques, les princesses, les nonnes, les actrices de passage, les modistes et les servantes, les femmes qui se contentaient d'une pièce d'or, les précieuses qui habitaient dans des palais et à qui il fallait finalement donner beaucoup d'or, la veuve du boulanger et la fille rusée du marchand de chevaux juif, M. M., la favorite de l'ambassadeur de France, et C. C., la fillette dépravée du couvent, la petite souillon galeuse que Louis de Bourbon, le Roi Très-Chrétien, serra ensuite dans ses bras pour l'entraîner dans son harem de Versailles, la jeune épouse du capitaine français et celle du bourgmestre de Cologne, qui avait quarante ans passés et à qui il manquait deux dents devant, la duchesse d'Urfé qui était vieille comme les rues et tellement maigre qu'on se piquait les doigts en enlaçant sa taille squelettique... Il suivait toutes les voix et tous les appels, et il sentait toujours cette curiosité de pisteur, ce tremblement et cette attention malicieuse, il entendait toujours la question mystérieuse :"Serait-ce elle ?..."
Mais au moment de la poser, il savait de là que ce n'était pas elle, que ce n'était jamais elle. Et il poursuivait sa route."
C'est bien de lui, Giacomo Casanova, récemment évadé de la prison vénitienne des Piombis où il fut détenu pendant seize mois, dont il s'agit dans "La conversation de Bolzano", un bijou de roman (1940) de l'écrivain hongrois Sándor Márai.
Il est, à l'évidence, conseillé de le lire loin de toute préoccupation wokiste ou metooesque... Le mâle blanc dans toute son horreur.
Ou sa splendeur, c'est selon.
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