Nietzsche errant.
Il y eut bien sûr, jadis ou naguère, Nice et Èze, Rome et Le Vatican,Venise, Gênes, Rapallo et Portofino, Sorrente, Milan et Turin évidemment.
Il y a même failli y avoir Corté, l'idée en fut caressée vers 1885...
Nietzsche fréquenta ces lieux, tant d'autres aussi en Allemagne, que jamais ne verrai, m'étant moi-même interdit de séjour en ce pays.
"La liste est bouleversante qui le verra bourlinguer, en quête de lumière, besace en bandoulière, libre comme l'éclair, rejetant Théognis et tous les faux penseurs aux toges pessimistes, ne voulant plus que joie, grand air des altitudes, vie solitaire et semelles de vent" , pour le dire comme Guy Boley dans son excellent et récent roman "À ma sœur et unique", parfaite approche en cette rentrée littéraire, comme disent les fats, de l'homme et son œuvre, comme disent les profs.
De ces lieux-là, aucun ne me fut objet de pèlerinage ou de communion d'esprit : l'âme de groupie m'a quitté depuis bien longtemps : chemin faisant, les penseurs, artistes, hommes de lettres, créateurs, comme vous voudrez, pour lesquels on éprouve un élan humain - admiration, empathie, - parce qu'ils vous rehaussent se font de plus en plus rares. On a bien assez des doigts d'une main... Suffisant pour respirer.
Ainsi, à deux reprises, la dernière fois en retournant d'une visite à la veuve de Léo Ferré pour lui acheter du vin ( ! ), Machiavel, qui de prime abord semble n'avoir que peu de rapport avec Nietzsche - encore que... tout bien pesé, la parenté entre lui et Machiavel est évidente, ne serait-ce que par le gigantisme de leur ennemi commun... - Machiavel donc, et son exil dans son domaine de Sant'Andrea in Percussina, à deux pas de Florence pourtant.
Cependant, s'agissant de Nietzsche, presque toujours, une pensée, une anecdote, le souvenir ici d'une œuvre enfantée, là et à peu près partout celui de la misère et de la solitude, à Turin de l'effondrement, agrippé ou pas au cou d'un cheval martyrisé. Légende ?
Il y eu certes Sorrente, et l'heureuse surprise, à l'issue d'une brève recherche, au sortir d'un parking public ( ! ), là, à main gauche, de tomber sur la fameuse Villa Rubinacci, siège d'un futur"couvent d'esprit libres", matrice du premier grand livre, "Humain, trop humain", une fois Wagner, Cosima, Bayreuth et tout le fatras nationaliste, patriotique et antisémite jeté par dessus bord.
Le temps d'un hiver et d'une moitié de printemps.
Aujourd'hui - parfaitement dans l'esprit de l'époque - abritant un "Ristorante Pizzeria" et rebaptisée en "Eden HoteL"
Sic transit... ? Même pas.
Il y eut surtout Sils Maria, autour de laquelle tout mon itinéraire se composa, de Gênes à Gênes en passant par ces pures merveilles des lacs de Garde et de Côme. L'émotion, la vraie.
Un bourg. Que Nietzsche découvrit presque par hasard, à quelques kilomètres de St Moritz, en 1881. C'est peu dire qu'il tomba sous le charme de ce lieu où il séjourna tous les ans jusqu'en 1888, à l’exception de l'année 1882. Il est vrai que cette année-là, il avait un autre drôle de chat à fouetter ( ! ? ) en la gracieuse personne de Lou Salomé, abordée au Vatican ( ! ) pour une tentative de séduction par nature vouée à l'échec !
Zarathoustra, "le vrai livre de l'air des cimes" , ainsi le qualifia-t-il dans Ecce Homo, y vit en grande partie le jour. ainsi que l'éclair aveuglant de l'éternel retour. Articles, livres, études, thèses décortiquent dans le moindre détail ce que fut la fusion entre ce malheureux et ce site. Le lecteur intéressé pourra aisément en faire son miel.
Une maison. Auberge, hôtel, de dimensions modestes. À la mesure des pauvres ressources financières et des modiques besoins de l'homme. Deux ou trois pièces au rez-de-chaussée, un sous-sol, une salle à manger et une bibliothèque à l'étage, une chambre enfin. Un lit, un nécessaire de toilette, un bureau, simple table recouverte d'un méchant tissu noir et vert qu'il fit découper, aujourd'hui encore présent, relique dit-on parsemée de tâches noires et rouges d'une encre autrefois épaisse - mais je ne peux le garantir car on reste au seuil de la chambre du premier étage - un semblant de repas quotidien.
Mais surtout, à la gauche du perron, à quelques mètres, le départ raide, escarpé, pour des promenades interminables qui le menaient au travers de paysages somptueux vers le Zarathoustra, et vers cet Éternel Retour qu'un rocher au bord d'un lac est censé matérialiser ( ! ).
Et bien sûr, un ciel d'une pureté cristalline, rarement rencontrée à ce point. Hydra et Big Sur, l'automne, la Corse, certains jours d'hiver.
Voilà qui me fait signe sans doute... le plus tard possible, bien sûr...
L'automne 1888 le vit définitivement quitter Sils-Maria pour Turin.
Il n'y eu aucun retour. Seul l'effondrement, trois mois plus tard.
Mais à jamais, une présence.
La chambre de Nietzsche se situe au deuxième étage, à droite.
Sur le côté droit de la photo, le départ des sentiers...
Merci, j'ai toujours repoussé ce voyage. Et maintenant, l'idée même de voyage...
RépondreSupprimerTout le contraire de l'homme donc.