Saint-Florent, mais ça aurait pu être - c'est...- n'importe où ailleurs, dans n'importe quel autre port de plaisance...
Dans la chaleur de la nuit tombante, la théorie habituelle, traînarde, débraillée, moutonnière, qui déambule dans une oisiveté fauchée, glace dans une main, smartphone dans l'autre et s'immortalise à coups de selfies devant les bateaux. Rêves bon marché qui immédiatement inondent les réseaux sociaux.
Sur les ponts arrière des yachts, la vulgarité vautrée, crasse, friquée, qui s'exhibe, jouissant de regarder les ploucs la regarder, elle, qui se croit, se dit et hélas, est l'élite. 
Qui n'en revient toujours pas de voir avec quelle facilité elle se nourrit de la bêtise humaine.
La double laideur triomphante des temps.

Soudain, que rien ne laissait prévoir ni encore moins espérer, dans l'air, se fraye miraculeusement un passage dans des ondes martyrisées par ce que les crétins s'obstinent à nommer musique, Gershwin, Summertime !
On tourne le regard, pour découvrir un peu plus loin, une flûte adossée à une harpe, un jeune couple blond - vingt, vingt-deux ans, isolé dans son monde, d'une élégance de cette élégance qui fuit l'habit ou le clinquant, qui donne un Summertime aérien. 
L'imprévisible beauté de la musique.

Et puis, déposant quelque monnaie dans un étui ouvert à leurs pieds et encore bien peu fourni, la récompense d'un léger sourire partagé et d'un clignement d'yeux en leur disant Gershwin... merci !

Même si le combat est perdu, malgré les espérances déçues, la conscience - et une certaine satisfaction... - d'être définitivement dans le camp des perdants, le bonheur fugace de croiser la beauté dans le réel, un soir d'été, comme ça, dans un lieu improbable...
Summertime, and the livin' is easy...

Et parce que de toutes celles que je connais, c'est elle qui est la moins éloignée de la version entendue ce soir là...
Melody Gardot

https://youtu.be/QZKdEIfyPeE

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