Une bien belle histoire pour petits et grands !

Un roi, depuis longtemps malade, dit un jour : "Je donnerai la moitié de mon royaume à qui me guérira." Tous les sages du pays se réunirent et cherchèrent un moyen de guérir le roi. Personne ne savait que faire, quand l’un d’eux déclara que, si l’on trouvait un homme vraiment heureux, il fallait lui prendre sa chemise, et que, si on la passait au roi, le roi guérirait.

Le roi fit chercher dans tout son royaume un homme heureux ; mais les émissaires qu’il envoya par tout le royaume ne purent le trouver. Leur route avait été bien longue et ils n’avaient rencontré personne qui fût tout à fait content de son sort. L’un était riche, mais il était souvent malade. Un autre riche et bien portant, avait une mauvaise femme ou de méchants enfants ; pas un qui ne se plaignît de quelque misère.

Il arriva qu’un jour le fils du roi, passant devant une chaumière, entendit parler. Il écouta. Quelqu’un disait: "Béni soit le ciel ! Aujourd’hui, j’ai bien travaillé, j’ai mangé à ma faim, et je vais dormir. Que me faut-il de plus ? "

Le fils du roi, tout joyeux, donna l’ordre de prendre la chemise de cet homme, de lui en donner autant d’argent qu’il voudrait et de la porter au roi. 
Les envoyés arrivèrent chez l’homme heureux pour lui ôter sa chemise… mais il était si pauvre qu’il n’en avait pas.
Léon Tolstoï, Contes, récits, fables. 1869-1872.

Que pensez-vous qu'il advint ?
Le Roi demeura Roi. Il entra en analyse pour mettre un terme à son acédie. Ce fut un échec, car d'acédie il n'y avait point, juste un vide intérieur béant que rien ne pouvait combler.
Pas même les quatre cents vierges qu'il fit requérir pour bercer ses jours et ses nuits.

Quant au pauvre, il demeura pauvre. 
Puis on le pendit pour avoir ajouté à la détresse du Roi.

Morale de l'histoire : pas de morale.
Et toujours rien de nouveau sous le soleil.


Henri Matisse, Le Roi triste / Tristesse du Roi. 1952.


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