Nom de noms.


Longtemps, je n'y ai vu qu'un nom, son nom, Mestiza de Sangley. 
Qui nourrissait si bien le mystère de ce visage éclatant de noblesse, de ce port de princesse exotique possiblement native de Java (?). Ou Sumatra, Surabaya, Bandung, d'une Indonésie fantasmée, villes et contrées qu'on suit d'un doigt hésitant sur un atlas, enfant, allongé sur un parquet, emporté par des noms de lieux que jamais on ne verra...
Bref ce nom, rêve à soi seul. 
Tel ce Sunsiaré de Larcône qui couronnait ce mannequin - écrivain a-t-on prétendu, mais restons sérieux un instant... - maîtresse de Nimier, qui eut la déplorable maladresse de se tuer en sa compagnie au volant d'une folle automobile. Certes, il s'agissait d'une Aston-Martin, mais enfin, il est des attentats impardonnables contre la littérature et l'esprit... Blondin ne s'en est jamais remis, lui.
Beaux noms pour belles personnes qui vous font naviguer, post-adolescents, matures ou pré-séniles. Je parle là d'hommes qui aiment les femmes, bien sûr...

Puis arrive un jour où ces rêveries ne sont plus que lambeaux d'illusions, de celles qui, à force de sédimenter, font, sinon une vie, du moins une existence. 
Le jour où l'on apprend, par exemple, que si Sunsiaré de Larcône est morte, elle n'avait jamais existé.
Car elle ne fut en fait que Suzy Durupt.
Le jour où l'on découvre que la princesse exotique n'a pas de nom, et qu'un certain Francisco Van Camp, qui la captura un instant sur pellicule à la fin du XIXème siècle, ne prit pas l'élémentaire précaution de consigner son véritable nom sur un carnet.
Car Mestiza de Sangley ne désigne pas une personne. Tout au plus un archaïsme colonial désignant une ethnie faite de de Philippins et de Chinois métissés, ainsi dénommée par les conquistadors espagnols débarquant dans cet archipel qu'ils dénommèrent Philippines en hommage à leur Roi.

C'est ainsi que la réalité, parfois, détruit ce qui avait fini par être notre Réel.
C'est ainsi que, plus souvent qu'à mon tour, "je demeurai longtemps errant dans Césarée..."

Mais généreux en émotions, le Réel n'abdique jamais, qui nous a gratifié d'une Tula Ellice Finklea enchanteresse !
Qui ça ? Cyd Charisse, voyons !



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