"Une beauté comme la sienne est un génie."

"Chaque jour, Greta apparaît dans de nouveaux vêtements; en la voyant, on ne pense pas à la femme qui a changé de toilette, mais plutôt à une figure mythologique
différente. Le temps me manque toujours pour la contempler – pour admirer la tombée de la lumière sur son visage jamais immuable. Depuis peu je suis stupéfait par la délicatesse du modelé d’une narine ; brusquement je distingue entre ses sourcils la fente perpendiculaire qui se creuse au souvenir d’un malheur. Par un après-midi très ensoleillé, nous nous promenions dans une humeur facétieuse lorsque je perçus un phénomène d’éclairage que la rue réfléchissait sur la figure de Greta. Elle était en train de rire à gorge déployée en montrant ses dents éblouissantes, et elle continua à sourire pendant que ses yeux traduisaient sa surprise en me voyant cloué sur place, en extase, pour la dévisager fixement. Elle était coiffée d’un grand chapeau gris qui rejetait sa physionomie dans l’ombre, mais qui donnait à son teint une sorte de chaleur opalescente – je songeai à de la porcelaine éclairée de l’intérieur. Les iris de ses yeux virèrent au bleu violet, et son expression fut celle d’un bonheur intense – l’allégresse que seuls possèdent les enfants. Il y avait là une véritable "forme royale" – l’alliance du classique avec une souplesse étourdissante de santé et une probité parfaite. L’effet produit était tellement celui d’une beauté immortelle que je me souviendrai toujours de ce moment merveilleux avec une joie sans nuages. 
"Une beauté comme la sienne est un génie", a dit Dante Gabriel Rossetti." 
Cecil Beaton, Les Années heureuses. Ed. Les belles Lettres. (2020).

Cecil Beaton. 1946.

Fallait-il qu'elle soit sublime... assurément, elle le fut.
Plus encore sous l'oeil - et la plume - d'un tel photographe...