Roland Jaccard & Clément Rosset : Quel cinéma ?!
Triste circonstance que la mort de Clément Rosset pour revenir sur les entretiens - une douzaine - qu'il eut avec Roland Jaccard, publiés en 1990 et agrémentés de huit textes antérieurs, sous le titre de "Propos sur le cinéma".
La richesse, la drôlerie, la densité des propos tenus découragerons, si d'aventure ils s'en approchent, - mais le risque est limité...- la très grande majorité de ceux qui font profession de critiques professionnels dans la presse bien pensante, dont la bande des quatre torchons - i.e Libération et Le Monde pour les quotidiens, Télérama et les Inrocks pour les hebdos - est le fleuron.
Rosset leur fait d'ailleurs leur fête à ces critiques - "ceux qui écrivent dans les grands journaux et hebdomadaires et qui font montre d'une incompétence telle qu'on en arrive parfois à se demander s'ils ont seulement vu le film dont ils prétendent rendre compte" !
Ce qui ne serait pas bien grave si ces gens là ne dictaient pas les choix et avis de ceux qui lisent encore leurs petites crottes.
Sans parler des centaines de clones pullulant sur les réseaux dits "sociaux", qui ajoutent à cette incompétence une culture cinématographique plus que ténue les amenant à croire que le cinéma remonte aux années quatre-vingt du précédent siècle, tout en prenant - hélas - un malin plaisir à martyriser une langue française qui ne leur demandait rien..
Tortures qui n'épargnent pas, croyant être du dernier chic, les langues anglaise et américaine qui, pas plus que la précédente, ne les sollicitent en rien mais dont l'usage, fût-il défectueux et inapproprié peine à masquer leur vacuité.
Quittons ces fâcheux.
Rosset et Jaccard donc.
Le cadre est simple : "J'aime qu'un film suscite en moi des émotions, pas qu'il me les dicte" ; et "j'aime aussi qu'il m'inspire des réflexions, pas qu'il les fasse à ma place".
Voilà qui congédie les pompeux emmerdeurs évoqués plus haut et nous précède, connaisseurs ou non - c'est mon cas - le long d'une fructueuse promenade à travers genres, auteurs, acteurs et périodes pour nous amener à ce qui est l'essence du dit "septième art" lequel se révèle "être, en un certain sens, le premier de tous les arts", non pas tant parce qu'il est "l'art le plus indiscutablement populaire et universel" mais - surprise ! - par son rapport au réel et dans la dialectique de deux types de réalités, la deuxième étant "parallèle et jumelle" à celle à laquelle nous sommes confrontés : "être un art sans être une réplique indiscernable du réel".
Tout le reste est du même tonneau, intelligent sans affèterie, cultivé sans cuistrerie.
Et sans pitié pour les raseurs, célébrés ou non : ainsi de Godard, avec une certaine indulgence,"qui a l'art de faire sursauter de surprise le spectateur même s'il a réussi à l'endormir auparavant", mais "qui prend les idiots pour des idiots"alors que Rohmer, "qui excelle lui aussi à faire débiter par ses acteurs d'insupportables sottises pendant une heure et demie" prend "ses personnages pour des gens très intéressants"...
Le livre est bref - cent trente pages - mais les sujets abordés innombrables : ce simple billet ne suffit pas à leur recension.
Deux choses donc pour finir - provisoirement...
La première, rappel bienvenu de l'esthétique selon Schopenhauer, définition que nous pouvons faire nôtre avec Rosset : "l'émotion esthétique repose sur la contemplation et est par conséquent liée à un moment privilégié de lucidité et de "voyance" qui nous met provisoirement hors de nous-mêmes et de nos propres désirs" (...). Ce qui n'exclut, bien sûr, ni la puissance de l'émotion ni les pleurs qu'elle peut provoquer".
J'évoque ce point parce qu'il dépeint au mot près - les pleurs - ce que j'ai pu ressentir en visitant à Madrid en Février dernier une exposition Warhol ... overwhelming serait le mot juste pour définir précisément mon émoi de l'instant.
Et enfin, un désaccord avec "le naufrageur de la philosophie", tel que le désigne Jaccard.
Sur le western.
Qui fera l'objet d'un prochain billet...peut-être !
Et parce que Godard fut quand même grand, un échange sur une forme d'esthétique inoubliable entre Bardot et Michel Piccoli.
Juste pour le plaisir.
https://youtu.be/xEu5s7z-ris
La richesse, la drôlerie, la densité des propos tenus découragerons, si d'aventure ils s'en approchent, - mais le risque est limité...- la très grande majorité de ceux qui font profession de critiques professionnels dans la presse bien pensante, dont la bande des quatre torchons - i.e Libération et Le Monde pour les quotidiens, Télérama et les Inrocks pour les hebdos - est le fleuron.
Rosset leur fait d'ailleurs leur fête à ces critiques - "ceux qui écrivent dans les grands journaux et hebdomadaires et qui font montre d'une incompétence telle qu'on en arrive parfois à se demander s'ils ont seulement vu le film dont ils prétendent rendre compte" !
Ce qui ne serait pas bien grave si ces gens là ne dictaient pas les choix et avis de ceux qui lisent encore leurs petites crottes.
Sans parler des centaines de clones pullulant sur les réseaux dits "sociaux", qui ajoutent à cette incompétence une culture cinématographique plus que ténue les amenant à croire que le cinéma remonte aux années quatre-vingt du précédent siècle, tout en prenant - hélas - un malin plaisir à martyriser une langue française qui ne leur demandait rien..
Tortures qui n'épargnent pas, croyant être du dernier chic, les langues anglaise et américaine qui, pas plus que la précédente, ne les sollicitent en rien mais dont l'usage, fût-il défectueux et inapproprié peine à masquer leur vacuité.
Quittons ces fâcheux.
Rosset et Jaccard donc.
Le cadre est simple : "J'aime qu'un film suscite en moi des émotions, pas qu'il me les dicte" ; et "j'aime aussi qu'il m'inspire des réflexions, pas qu'il les fasse à ma place".
Voilà qui congédie les pompeux emmerdeurs évoqués plus haut et nous précède, connaisseurs ou non - c'est mon cas - le long d'une fructueuse promenade à travers genres, auteurs, acteurs et périodes pour nous amener à ce qui est l'essence du dit "septième art" lequel se révèle "être, en un certain sens, le premier de tous les arts", non pas tant parce qu'il est "l'art le plus indiscutablement populaire et universel" mais - surprise ! - par son rapport au réel et dans la dialectique de deux types de réalités, la deuxième étant "parallèle et jumelle" à celle à laquelle nous sommes confrontés : "être un art sans être une réplique indiscernable du réel".
Tout le reste est du même tonneau, intelligent sans affèterie, cultivé sans cuistrerie.
Et sans pitié pour les raseurs, célébrés ou non : ainsi de Godard, avec une certaine indulgence,"qui a l'art de faire sursauter de surprise le spectateur même s'il a réussi à l'endormir auparavant", mais "qui prend les idiots pour des idiots"alors que Rohmer, "qui excelle lui aussi à faire débiter par ses acteurs d'insupportables sottises pendant une heure et demie" prend "ses personnages pour des gens très intéressants"...
Le livre est bref - cent trente pages - mais les sujets abordés innombrables : ce simple billet ne suffit pas à leur recension.
Deux choses donc pour finir - provisoirement...
La première, rappel bienvenu de l'esthétique selon Schopenhauer, définition que nous pouvons faire nôtre avec Rosset : "l'émotion esthétique repose sur la contemplation et est par conséquent liée à un moment privilégié de lucidité et de "voyance" qui nous met provisoirement hors de nous-mêmes et de nos propres désirs" (...). Ce qui n'exclut, bien sûr, ni la puissance de l'émotion ni les pleurs qu'elle peut provoquer".
J'évoque ce point parce qu'il dépeint au mot près - les pleurs - ce que j'ai pu ressentir en visitant à Madrid en Février dernier une exposition Warhol ... overwhelming serait le mot juste pour définir précisément mon émoi de l'instant.
Et enfin, un désaccord avec "le naufrageur de la philosophie", tel que le désigne Jaccard.
Sur le western.
Qui fera l'objet d'un prochain billet...peut-être !
Et parce que Godard fut quand même grand, un échange sur une forme d'esthétique inoubliable entre Bardot et Michel Piccoli.
Juste pour le plaisir.
https://youtu.be/xEu5s7z-ris
Commentaires
Enregistrer un commentaire