Balade en chambre.
À en croire la sagesse dite populaire, en ces temps la chaleur abrutit.
Plutôt se borne t-elle à accroitre en été le capital naturel de bêtise dont chacun de nous est pourvu à la naissance - de manière certes non égale, mais enfin certaine... - et partant, à rendre plus performante la capacité d'abrutissement qui l'accompagne.
Ainsi, toute impossibilité de me lancer dans une de ces lectures au long cours - traités, essais, romans ou autres : la simple perspective d'une muraille de centaines de pages à affronter me vaut renonciation dans l'attente de jours plus cléments. Comment dès lors être économe de son admiration envers ceux qui mettent à profit la saison estivale pour lire - pardon : re-lire , toujours re-lire pour eux... - au choix Joyce ou Proust, Dostoïevski ou Thomas Mann, Spinoza ou Kant ? Mais comme ils sont moins nombreux à s'y aventurer qu'à le clamer, la quantité d'admiration requise s'en trouve largement réduite... un sourire souvent y supplée !
Pour moi donc, voici le temps béni entre tous de la nouvelle, de l'haïku, de l'aphorisme, de la pensée enfin. S'y promener entre deux plaisirs estivaux m'est bonheur.
Ainsi une brève demi-heure en compagnie de Montesquieu - non celui de L'esprit des lois mais des Réflexions et Pensées, tardivement publiées à la toute fin du dix-neuvième siècle - moraliste à ses heures, donc jamais moralisateur, et grand pourvoyeur d'intelligence.
Au fil de la lecture donc, ceci, qui nous réunit sans peine je crois, aimable lecteur : "Aimer à lire, c'est faire un échange des heures d'ennui que l'on doit avoir en sa vie contre des heures délicieuses".
Ou ce conseil à Mme du Châtelet, qui vaut pour tout esprit curieux égaré en métaphysique : "Vous vous empêchez de dormir pour apprendre la philosophie; il faudrait, au contraire, étudier la philosophie pour apprendre à dormir".
Cette réflexion encore, dont une étude plus poussée devrait valoir un sommeil sans failles, sur "Les deux Mondes" : "Celui-ci gâte l'autre, et l'autre gâte celui-ci. C'est trop de deux. Il n'en fallait qu'un".
Le tout étant dès lors de pouvoir se bâtir une chambre aux plus grandes dimensions possibles.
Lues à 17 ans, je n'en gardais presque aucun souvenir, mais ses "Lettres persanes" sont un peu repassées par mes mains dernièrement et elle sont bien agréables aussi : on peut y entrer sans ordre et ça se sirote paisiblement.
RépondreSupprimerJ'ignorais jusqu'à l'existence de ces Pensées... hors la plus fameuse sans doute : "Le mieux est le mortel ennemi du bien". Tout ce vaut pas La Rochefoucauld ni Chamfort, mais enfin, ça détend...
SupprimerMince alors, moi qui pensais que tous ces dictons étaient toujours de La Fontaine quand ils n'étaient pas bibliques... (Ni Lichtenberg non plus j'imagine — lequel joint aux deux autres complète ma petite triade de moralistes.) (Et je ne connaissais pas non plus ce recueil de bons mots.)
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