Rock & Folk, 50 ans après. Épisode II.

Juillet 1972. Je crois me souvenir qu'il était déjà sujet de vagues de chaleur, d'incendies monstres - en tous cas en Espagne, en Italie, en Grèce, en Corse aussi - , de temps déréglé par les satellites ( ! ), surtout américains bien sûr...
Mais on ne va pas remettre le couvert avec l'Écclésiaste.



En couverture, Page. Huit pages consacrées à un authentique "Guitar Man" par Paringaux, fan et surtout ami personnel du dit héros dans la "vrai vie".

Car Page a atteint enfin son but : après des centaines de titres enregistrés en qualité de session man, des Stones à Polnareff, des Kinks à Françoise Hardy - on en passe et des pires encore - , une entrée par effraction - bassiste ! - au sein des Yardbirds dont il prendra bien vite le contrôle effectif, il a fait décoller son Led Zeppelin au point d'en faire - vraiment - "le plus grand groupe de rock du monde".  Peut-être pas le meilleur, mais celui qui invente les concerts monstres dans les stades et arenas américains, les revenus stratosphériques en matière de cachets et de droits d’auteur, bref celui qui fait passer le business de l'entertainment rock d'un aimable artisanat - un disque, des télés, une tournée et ainsi de suite - à une industrie.
Chance pour l'auditeur : à partir du pillage du blues et moyennant un culot d’enfer et un son démesuré, Led Zeppelin faisait aussi de la bonne, et très souvent excellente, musique. De celle qu'on peut écouter cinquante ans plus tard sans rougir de ses goûts adolescents.
Bien évidemment, se sont engouffrés dans le genre, baptisé hard-rock,  avec comme ancêtre le Helter Skelter des Beatles - insultes attendues… -, des cohortes chevelues sans grand talent, hurleurs aux guitares saturées et rythmiques, sinon toujours de plomb, le plus souvent plombées. Tout ce qui contribuera à d’ultérieures pollutions sonores.
Huit pages donc. Base : un concert du groupe à Bruxelles, prétexte à un lyrisme échevelé ( ? ) du Boss du magazine. Ainsi, l’incipit et les lignes suivantes :


Le groupe n'est paradoxalement pas le héros du papier, pour l'essentiel à la gloire de Page - et l'amitié n'y est pas étrangère. Pas du copinage, mais un hommage justifié à un instrumentiste hors-pair qui a su ne pas se cantonner à son incroyable dextérité pour devenir et musicien et producteur, développant une conception novatrice de son art. Pour survoler le monde rock durant une douzaine d'années, seulement interrompues par la mort de John Bonham.
Voilà pour l'essentiel d'un numéro maigrelet.

Peu de choses dans la recension des parutions, en dehors de l'émancipation de Stevie Wonder en route vers une théorie de très grands albums, un double live, fonds de tiroir certes, mais de Janis et de ses différents groupes, une parution en France - cinq ans après ! - du premier et magnifique LP de Procol Harum, prétexte à un début de réhabilitation du groupe qui ne sera jamais totale - normal, entre le beau et le toc, le rock, presque toujours privilégie le toc -, le Sail away de Randy Newman - qui pouvait se permettre une telle chronique en 1972 ? -, un Pink Floyd médiocre, B.O. d'un film médiocre ( Obscured by clouds ). 
Et les habituelles plaisanteries francophones, ici Charlebois, Ange... Comique involontaire.

Côté bouquins, le Tarentula de Dylan, sur lequel on s'interroge gravement : "N'est-ce, comme on le prétend, qu'une commande d'éditeur, écrite en peu de jours, dans un souci commercial ? Cela ne l'empêche pas de contenir et de refléter toute l'expérience d'une vie, comme un véritable testament, les dernières paroles d'un suicidé vivant" !
Aux dernières nouvelles le "suicidé" se porte comme un charme. 
Et dire qu’un seul mot aurait suffit à qualifier Tarentula : illisible. 
Aujourd’hui  encore !

Quoi d'autre ? Huit pages sur le Jefferson Airplane, groupe oh combien chiant mais tenant du gauchisme chic californien, donc génial; un Koechlin tout à sa passion jazz en un entretien intelligent - comment faire autrement ? -avec Barney Wilen et ses aventures africaines, un compte-rendu d'un concert de James Brown à l'Olympia - "dans la salle, les sept-dixièmes des spectateurs sont noirs. Africains en majorité." ( Va écrire ça de nos jours, et tu es bon pour le peloton - statistiques ethniques, Front National, No pasaran et tout le tremblement ) -, un autre compte-rendu tardif du concert du Velvet Underground au Max's Kansas City - Lou Reed : " J'aimerais mettre un chapeau haut de forme et une queue de pie comme dans l'Ange bleu". Vœu bientôt exaucé avec Berlin - "c'est un peu cela, un peu de Lili Marlène et un peu de Nico" . Suivent la résurrection de Muddy Waters à Pleyel ( ! ), une réflexion sur la nature profonde de Crumb - fieffé réactionnaire ou révolutionnaire gauchiste / radical ?, pas mal vu d'ailleurs...

Hamster Jovial est toujours présent - ici aux prises avec le groupe fascistoïde Magma - et un "Bricoles" new-yorkais lorgnant vers l' Hubert Selby Jr. du "Last Exit to Brooklyn" - terrain vague aux herbes folles et ornées de ferraille rouillée, petites crevures, tapin ado, miché finissant dans le sang et, pire que tout, un chat crevé à coup de bottes par les bons soins des crevures déjà évoquées.

Côté déchets, huit pages sur ce qui sera l’autre pollution sonore des seventies jusqu’à l’heureuse irruption punk: le "rock progressif" ( ? !!!) anglais, où figure tout ce que l'honnête amateur de musique de jeunes a adoré haïr : Genesis, King Crimson, Van Der Graaf Generator ( ! ), Hawkwind et autres tristesses grotesques du même acabit.

Tutto sommato, un numéro 66 pas inoubliable, reflet d'une actualité elle-même bof-bof.
Ah si ! Une perle, une vraie : "J'aime beaucoup ce que fait McLaughlin avec Miles Davis - l'autre groupe de rock que j'écoute actuellement".
Humour british signé Jagger. 
Qui écoutait qui d'autre ? Status-Quo ?

Commentaires

  1. Loulou disait qu'il avait appelé son disque "Berlin" parce que l'homme et la femme (au moins son couple "opusculaire") vivaient au même endroit mais dans deux mondes. Et puisque vous évoquez le corrosif "Last exit", avez-vous lu le très bel entretien de Selby par L. Reed ? (Il a aussi interviewé Vaclav Havel - lequel évoque les "bananes" vendues sous le manteau durant la Velvet Revolution ; on trouve tout ça dans "Parole de la nuit sauvage".)
    Il est amusant de constater que Roxy Music, estampillé "rock progressif", aura influencé le punk/postpunk né pour détruire cette ignominieuse pompe. Preuve que les Briyan c'était tout de même autre chose.

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    1. Échange une fois encore précieux pour moi ! J'ai remis la main sur mon exemplaire 10-18 de ce recueil de Lou Reed ... J'ai un vague souvenir de son entretien avec Havel, plus aucun de celui avec Selby. Je vais donc relire tout ça dès qu'il fera un peu moins chaud... vers minuit / une heure ! Merci 😉

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