Un Afghan à Vegas.

Retour à Las Vegas, vingt-cinq ans après.

Évidemment tout a changé - en taille et en démesure -, si rien n’a changé - car rien ne peut avoir changé. Stratégie du Guépard.

Aéroport, taxi. L’air d’un bon bougre qui baragouine deux / trois mots de français et curieux de tout : la France, la Russie trop près de Paris, les casinos de Nice et Monte-Carlo.
Tout à trac, question : « Et, moi, d’où crois-tu que je suis, my friend ? »
Moi, et ma réponse paresseuse et crétine - ce qui me semble le plus plausible, le moins contrariant : « tunisien ? »
- « What ? Je ne suis pas arabe, moi !!! »

Bingo ! Le type a quitté l’Afghanistan lors de l’invasion russe pour faire des études supérieures à Paris, qu’il quitte il y a vingt-cinq ans vu l’état de la France !
- « Et pourquoi l’Amérique ? »
- « Because this is America, my friend ! », accompagné d’un large mouvement de la main. 
Et d’un sourire :  « le couillon, c’est toi, my friend ! »

Ce que ne comprendront jamais tous les Zemmour, Le Pen et Mélenchon de la planète : ce que nous montrait l’Afghan, ce n’était pas les néons de Vegas, mais la misère, l’étroitesse, l’écrasement par la religion, la tutelle de la famille durant toute une existence, la frustration sexuelle, l’absence d’avenir, la condamnation sociale et la pauvreté culturelle, bref, tout ce que le rêve d’Amérique représente pour des centaines de millions de damnés de la terre, et qui est bien plus que les USA.

À quoi s’ajoutait pour mon Afghan, la peur d’une proximité quelconque avec les Russes…

« Ils sont pas loin de Paris, non ? », s’inquiéta-t-il, brusquement.

Bizarrement, je n’ai pas songé à le rassurer d’un « Non, Macron et l’Europe nous protègent…»


Las Vegas, The Strip. Nov. 2022.






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