Ligne claire.

"...une ligne libre et voluptueuse, qui se retrouvait autour de la matière excellente de sa chair. Cette ligne fléchissait à peine à la limite exubérante de la maturité. Évidemment, Alice ne lui offrait que la suggestion rétrospective des formes qui l'avaient faite si belle. Mais la ligne un peu fléchissante d'un sein, un peu redoublée d'une hanche, si elle ne s'est point trop écartée des points où elle assurait hier son triomphe, semble, par un tremblement hallucinant, y repasser dans les moments magnétiques où une femme qui a toujours plu se redresse pour plaire encore. Ainsi, la beauté devient émouvante ayant perdu la froideur du premier coup de ciseau presque idéal, et chez celui qui la regarde et la possède la dure admiration se transforme en une tendresse magnifiquement mélancolique, car non seulement il voit ce qu'elle est devenue, mais ce qu'elle était."

Drieu bien sûr, pour qui a reconnu Gilles...
Faut-il aimer les femmes et les connaître - il les aimait et les connaissait - ou être homosexuel - il l'était - pour traduire avec une telle délicatesse les prémisses, toujours trop tôt apparues pour une femme, des morsures de l'âge !
Faut-il se persuader que le temps est un principe extérieur aux êtres et aux choses et donc à leur essence éternelle,  hors du temps ? Et qu'il nous est, par principe, hostile ?
Faut-il croire, comme Augustin, que le temps est en nous ? Et qu'il n'est ni amical, ni hostile, mais seulement ce que nous faisons de la seule temporalité qui importe, celle du présent ?





Ava, elle, se cabrait ainsi, dans La nuit de l'iguane - 1964.
Elle avait quarante deux ans... Et demeurait - "ligne un peu fléchissante d'un sein, un peu redoublée d'une hanche"... - la plus belle des femmes ayant jamais arpenté un plateau de cinéma.
Encore aujourd'hui...


Commentaires

  1. Même découpe du temps au ciseau pour les hommes.
    La beauté est fugitive et subjective. Et dans le même temps présente à tout âge. Car la vraie beauté se moque des archétypes, des clichés et des projections d'une époque, d'un clan, d'un groupe, dictant des modes.
    Hommes ou femmes vieillissantes sont beaux, dans nos égalités indivisibles, également, la superbe des midinettes en bas résille en moins, les musclors du chapeau et des chapiteaux en moins.
    Surtout lorsqu'elles n'ont jamais vu l'utilité des bas résille dans leurs plus vertes années, de même que certains hommes n'ont pas besoin de porche ou de gros bras pour se sentir tendrement aimés.

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  2. Je partage tout à fait votre point de vue...
    Cela dit, rouler en Porsche relève parfois d'un hédonisme assumé, même si très souvent,
    ce n'est que vulgarité affichée...

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    1. 1- Le temps est consubstantiel aux êtres. Augustin était en avance sur la science qui a confirmé depuis qu'il est lié à l'espace. C'est pourquoi certains gagnent du temps pendant que d'autres en perdent sur les blogs.

      2-C'est bien connu, les princesses qui roulent en carrosse, et leur descendances, méprisent les types à Porsche. Elles préfèrent les pauvres à voitures déglinguées, qu'elles parent de toutes les vertus, tout en veillant à se tenir à bonne distance.

      3-Rouler en Porsche ne me parait pas plus désobligeant que les propos de Drieu sur "la matière excellente de sa chair" ou "les lignes fléchissantes d'un sein". Ceci dit, ça reste mes lectures préférée. Matzneff n'a jamais eu de désagréments de ce genre, l'heureux homme.
      Les femmes ne parlent jamais des hommes dans les mêmes termes (sauf entre elles), heureusement, sinon on aurait droit aux "lignes fléchissantes de testicules".

      4-Ceux qui parlent le mieux des femmes sont la plupart du temps ceux qui s'en passent très bien comme Aragon et tant d'autres.

      5-La "découpe du temps au ciseau" fonctionne à l'envers pour beaucoup d'hommes et quelques rares femmes (Pierre Arditi, Catherine Frot). Les femmes, les pires misogynes, s'interdisent toujours la parité dans ce domaine et sont les premières à incendier Madonna dans la presse féminine (faite par et pour des jeunettes pour qui le cap des 40 ans reste odieux). On va encore trouver des féministes pour nous dire qu'elles se calquent sur le désir des hommes; elles seraient toujours innocentes et soumises, ce qui revient à les mépriser.

      6-Ava Gardner me parait aussi lourde qu'Audrey Hepburn est aérienne et subtile. Tout, dans leurs biographies respectives l'a démontré. Cependant les "fléchissements de la matière excellente de sa chair" rendent Ava plus charnelle qu'Audrey qui inspire davantage le vertige amoureux platonique.

      7-Désir et beauté, ça fait deux. Envoyez vos thons chez Pascal Bruckner qui en fait son affaire, ou chez Richard Millet qui a "le goût des femmes laides".

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    2. Diantre ! comment réagir face à une telle exégèse que ne méritait certes pas mon billet originel !
      On osera donc une prudente réponse en suivant paresseusement l’ordre des points soulevés par Monsieur Alfred, honorable correspondant :
      1- Le temps, un des rares items qui ont persisté dans le naufrage quasi total de la pensée augustinienne à mes yeux. Autre exception, une fumeuse histoire de vol de poires, m’étant rendu moi-même dans ma lointaine enfance, coupable d’un semblable larcin… il s’agissait de pêches... En tous cas, les conséquences sur la philosophie occidentale de mon vol ne furent pas, aussi étonnant que cela puisse paraître, aussi importantes que celles que provoqua Augustin. Je ne me mortifiais pas sur l’indépassable problématique du conflit entre le bien et le mal et sur mon basculement du côté obscur du mal : il ne s’agissait que de quelques pêches...
      Bref, laissons là Augustin, ses poires, ses scoubidous et ses scrupules !

      2- Les quelques princesses dont j’ai gardé souvenir roulaient, elles, si ma mémoire ne me trahit pas, carrosses certes, mais plutôt déglingués. Mais bon, il s’agissait du siècle précédent, où tout cela n’avait qu’un caractère anecdotique. Ne séduisant plus guère que ma princesse actuelle, les questions d’équipement automobile ne relèvent plus que du plaisir, obscène en ces temps d’égalitarisme forcené et de jalousies sociales galopantes, qu’offrent des voitures anglaises, bourgeoises et plus…
      Et rouler en Porsche n’est certes pas désobligeant, sauf à se voir assimilé à certains individus d’une vulgarité, friquée ou non, choquante aux yeux de l’honnête homme.

      3 - Je partage évidemment votre réflexion du point 3. Mais,
      Réserve 1 : ne sachant pas si Matzneff est heureux ou relève réellement du genre masculin, je n’ai aucune opinion à son sujet.
      Réserve 2 : ne m’y étant jamais intéressé, j’ignore tout de la nature des discussions des femmes entre elles. Je suppose qu’elles sont aussi peu passionnantes que celles des hommes entre eux.

      4 - On peut fort bien ( essayer de ) parler des femmes, sans se contraindre pour autant à une regrettable abstinence les concernant. La pratique est d'une aide certaine à l'analyse...

      5 - N’ayant qu’une vague idée des personnes que vous évoquez, - Arditi ? Frot ? Madonna, par contre, je vois à peu près le tableau... -, je saisis mal votre propos… Désolé !

      6 - Bien évidemment, désaccord complet, total et définitif sur ce point. Certes, Mlle Hepburn - Audrey - était délicieuse, ravissante, drôle, élégante, spirituelle. Mais jamais, Eros m’en est témoin, je n’ai rêvé un instant avoir à me confronter avec elle, à subir ses foucades, ses baisers ou ses gifles, à me perdre dans ses yeux - pas que dans ses yeux d’ailleurs. Ava, en revanche, si elle fut lourde, ce fut du désir des hommes...
Vous résumerais-je mon propos en vous disant qu’Ava est femme, Audrey H. non ?
      Enfin pour un macho réac, misogyne, blanc et de plus de cinquante ans comme votre serviteur.

      7 - Je n’ai eu que des rapports courtois, enrichissants et de qualité avec Pascal Bruckner. Pourquoi diable songerais-je à lui envoyer des thons, espèce par ailleurs absente de mes fréquentations !?
      Je ne connais pas M. Richard Millet, même si je compatis à son statut victimaire.

      Vous répondre fût long. Mais je prends toujours plaisir à échanger avec des personnes de qualité, qui manient le foutage de gueule avec discrétion et élégance.
      Vous me permettrez de laisser le dernier mot relatif à notre propos initial au cher vieux Léonard Cohen !
      Qui en connaissait un rayon question femmes...
      « People change
      And their bodies
      Decay and die,
      But there
      Is something that doesn’t
      Change about love.
      Love never die. »

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