Salomé avait mis les voiles... Lou n'y était plus...

"Tu donnes des désirs solaires à mes rouges crépuscules."
Ainsi lui écrit-il, entre autres splendeurs, en ce 9 juin 1897. (1).

Cet amour fou aura quelques années après sa réponse appropriée, élégante et froide, si féminine donc si humaine, dans une lettre de rupture : "Ta silhouette ― encore si tendrement, si précisément consistante pour moi à Waltershausen ― s’est perdue comme un petit détail dans un paysage - pareil aux vastes paysages de la Volga, et où la petite isba visible n’était plus la tienne. 
J’obéissais sans le savoir au grand plan de la vie qui tenait déjà prêt pour moi, en souriant, un cadeau dépassant toute attente et toute compréhension. 
Je l’accueille avec une profonde humilité ; et, lucide comme une voyante, je te lance cet appel : ce même chemin, suis-le au-devant de ton Dieu obscur ! Lui, pourra ce que je ne puis plus faire pour toi, ni ne le pouvais de tout mon être depuis longtemps : te donner la bénédiction du soleil et de la maturité." (2).

S'en fit-il fait une raison ? Apparemment pas, si l'on en juge par un de ses poèmes qu'elle aura la cruauté de reproduire - rien n'est innocent chez elle, voyez donc du côté de Nietzsche ou de Freud - dans un de ses ouvrages postérieurs, à lui consacré: 
"Je me tiens dans le noir, comme un aveugle,
parce que mes yeux ne te trouvent plus.
Le trouble affairement des jours pour moi
n’est plus qu’un rideau qui te dissimule.
Je le regarde, espérant qu’il se lève,
ce rideau derrière lequel il y a ma vie,
la substance et la loi même de ma vie
et, néanmoins, ma mort ―."

Crépuscule encore, rouge, cela est moins sûr...

Hommes aux cœurs de pierre, femmes fragiles.

1 - Rainer Maria Rilke. Lettre à Lou Andreas-Salomé 9 juin 1897.
2 - Lou Andreas-Salomé. Lettre à Rainer Maria Rilke, 26 février 1901.
3 - Lou Andreas Salomé. Rainer Maria Rilke, 1928.

Correspondance R.M. Rilke / Lou Andreas-Salomé, Gallimard, Collection du Monde entier, 1980 / 1985. Traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet.

Paloma Picasso by Helmut Newton.
1973.







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