Pessoa

Whether we write or speak or do but look
We are ever unapparent. What we are
Cannot be transfused into word or book,
Our soul from us is infinitely far.
However much we give our thoughts the will
To be our soul and gesture it abroad,
Our hearts are incommunicable still.
In what we show ourselves we are ignored.
The abyss from soul to soul cannot be bridged
By any skill of thought or trick of seeming.
Unto our very selves we are abridged
When we would utter to our thought our being.
We are our dreams of ourselves souls by gleams,
And each to each other dreams of others’ dreams.
Fernando Pessoa. Trente-cinq sonnets anglais / Le Violon enchanté, tome VIII. (1918).

À écrire, parler, ou se borner à regarder,
Nous sommes toujours sans apparence. Ce que nous sommes
Ne peut se dire dans un mot ni dans un livre,
Notre âme nous est infiniment lointaine.
Nous avons beau armer nos pensées de la volonté
De constituer notre âme et de la signifier,
Nos cœurs demeurent incommunicables.
Dans ce que nous montrons nous sommes méconnus.
Aucune ruse de pensée ni semblant d’apparence
N’aide à franchir l’abîme entre les âmes.
Nous sommes coupés de notre être profond
Quand nous voudrions le faire émerger à la pensée.
Nous sommes nos propres rêves, lueurs d’âme,
Et chacun est pour l'autre rêves de l'autre rêvés.

Traduction ©luc-antoine marsily.




Commentaires