Traces...

"Je me rappelle que mon père m'avait dit un jour : "Je suis en train de lire un livre qui m'est arrivé hier. J'ai commencé à le lire cette nuit, et je suis tellement fasciné que je souffre à chaque page que je tourne parce que je pense que ce sera bientôt fini." Moi je demande : "Qu'est-ce que c'est ?", l'oreille aux aguets, et je lui dis "Donne-moi le livre après." Il m'a passé le livre, c'était Du côté de chez Swann. C'était la première fois que j'avais un contact avec Proust. Je n'étais pas seulement fasciné, mais a-ba-sour-di." 
Luchino Visconti, interview à Combat. Cannes, 1971.

L'année précédente, il en avait élaboré un scénario - 393 pages ! - , commencé à effectuer des repérages en France, établi un casting haut de gamme : Brando / Charlus, Delon / le Narrateur, Garbo, la Mangano et autres divas.
Un tel affrontement d'égos, les vapeurs 
jalouses d'Helmut Berger, amant en titre du Comte et sa haine inextinguible envers Delon, des garanties financières impossibles à réunir, autant de raisons entre mille de l'échec d'un tel projet.
Peut-être avons-nous échappé à un somptueux et langoureux navet.
Mais il est permis de le regretter : Proust dans le regard du Comte Luchino Visconti di Modrone, par ailleurs cinéaste, quand même...
Demeurent dans chacun de ses films traces et parfums de la Recherche. 
On fait donc avec.
Ce qui n'est pas rien.

Yann Kebbi, 2015.









 

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