Le petit Reporter.

Ce serait mentir que d'affirmer qu'on brûle ici d'un intérêt particulier et permanent pour la liberté de la presse - on s'évitera un hypocrite "P" majuscule.
Écrite ou parlée, son rôle éminent et majeur, sinon exclusif, dans l'abêtissement général et continu des sociétés humaines me suffit à ranger ce genre de billevesées à prétention humanitaire dans la poubelle débordantes de vessies qu'on nous a fait prendre pour des lanternes.

Aucune intention respectable ou "correcte" dans l'achat de ce numéro de Reporters sans frontières - en fait de reporters, avec ou sans frontières, depuis Sean Flynn, on a fait preuve de retenue question admiration - donc, rien - mais c'est amplement suffisant - que le plaisir promis d'y retrouver David Bailey, l'homme et l'œuvre (!), comme sujet.

Le plaisir est au rendez-vous.

À peine entamé le temps d'un entretien avec le pathétique crétin que demeure Philippe Manoeuvre, lequel, à bientôt soixante-dix ans, en est encore à demander à ses interlocuteurs s'ils étaient et sont "plutôt Beatles ou plutôt Stones" - on devine le "hin-hin" de l'idiot qui ponctue les questions... Ou à faire semblant d'être choqué par l'absence de mannequins noires ou japonaises dans l'objectif de l'Anglais ( Réponse politiquement impie : "Ça n'entrait même pas en jeu pour moi, je n'avais pas ce genre de considérations."). On l'imagine, langue pendante ("Vous avez eu toutes ces aventures avec des mannequins, des actrices"), et l'autre de lâcher ": Je pense que c'est grâce à mon sens de l'humour". On imagine l'idiot déçu qui attendait, qui sait ?, une considération sur la taille de son zizi...

Et d'en arriver à LA question fondamentale car sans réponse depuis 1968 : "Charlie Watts avec une ampoule électrique dans la bouche, qui a eu cette idée ?"
Réponse glaciale : " J'ai ramassé des objets épars. J'ai trouvé cette ampoule que j'ai donnée à Charlie".
Oui, mais pourquoi DANS la bouche ? Jamais on ne saura...

On aura eu la confirmation de la gentillesse de McCartney ("He's too nice, he loves everybody") et du fait que, comme Bailey himself, Lennon était un trou-du-cul ( "A bit of asshole, like me") - ce qu'on ignorait, du moins concernant Bailey.

L'anecdotique évacué, venons à l'essentiel : les regards des sujets, et l'art consommé de Bailey de savoir y saisir chez tous et toutes l'essence, justement, de la personne. 

Ainsi de : la tristesse sans doute désespérée de Peter Sellers, la classe canaille de Michael Caine, l'ironie sans illusions de Fred Astaire, le sourire intelligent de "celui qui n'est dupe de rien"chez Daniel Craig, les affèteries ridicules de Jagger, le vide sidéral et la vacuité émanant de Queen ou de U2, la perfection dans l'abrutissement des frères d'Oasis, on en passe...

De la sincérité admirative et complice envers les confrères - le haut du panier : Peter Beard, Brassaï, Man Ray, Cecil Beaton, Peter Lindbergh.

Et de la beauté affolante de ces femmes, Deneuve bien sûr, Jean Shrimpton, Leslie Caron, inattendue ici...

Certes Bailey fut servi, plus encore, par l'explosion des talents des sixties et de la première moitié des seventies. On imagine qu'il aurait eu plus de mal aujourd'hui à faire surgir quelque chose des tronches lyophilisées de nos élites contemporaines, artistiques ou non.
Mais ce fut un bonheur, David Bailey.



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