Warhol, fasciste ?

 

"Il tempo è galantuomo", comme ne le disait pas - en italien du moins, Voltaire.
....e rimette a posto tutte le cose".

Quoique... en matière de journalisme à la française, tout est pratiquement en place il y a cinquante ans, le temps n'ayant que durablement installé des fondamentaux déjà là: une logorrhée pseudo-marxiste, dérivée d'une absence de lecture d'un Marx passé à la moulinette du panurgisme germano-pratin post 1945, des clichés racialistes et féministes direct from ces USA par ailleurs et par définition honnis certes, mais fascinants et perpétuellement fascisants, un anti-capitalisme de bazar et la crainte d'un fascisme sans cesse agité et largement fantasmé - ici dans le cinéma de Warhol !
Et sur fond bien évidemment de moraline déversée pour venir à bout de l'hydre capitaliste et des turpitudes morales et sexuelles dont cette catin de New-York est pourvoyeuse !

Mais Warhol fasciste : fallait oser ! 

J'exagère ? À peine, comme d'habitude... 
Et te propose donc, "Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère !" de vérifier tout cela sur pièce !

Février 1971, Rock & Folk numéro quarante-neuf, Éric Burdon & War en couverture (beau concert auquel j'avais assisté à Cannes, dans l'ancien Palais de Festivals, à l'occasion du Midem). Premier article de fond dans la presse française sur le Velvet Underground, à l'occasion de la première édition en France d'un album du Velvet - Loaded qui ne fut autre que... le dernier du groupe - celui de Lou Reed !

À la plume Paul Alessandrini (RIP), journaliste d'extrême-gauche avant de finir à gauche, enfin au Nouvel Obs, une continuité certaine dans le confort de la bien-pensance ouverte et progressiste.

Paulo attaque très fort : "Le Velvet Underground, c'est un peu comme le hurlement de mort, lugubre, de la grande cité, New-York". 
Suit une enfilade de clichés avant d'arriver au premier sommet du papier : "C'est aussi l'univers musical des voyous (...) qui rencontrent les désabusés qui mènent une vie dorée à l'hôtel Chelsea: l'îlot réservé de l'underground avant-gardiste et richissime". Le gauchisme moral français dans toute sa vigilance face à ce "haut-lieu de la perversion, de la décadence, du dandysme cynique - la droite dévergondée n'est pas loin, soit patient lecteur, elle arrive ! - des fausses perles et des fausses gloires, des fausses légendes et des vrais drames" !!!

On encaisse et on fonce : "Univers particulier, factice, qui échappe aux censures pour que masochistes, pédérastes s'aiment en se déchirant (!), images dérisoires d'un monde qui le devient "- devient masochiste, pédéraste ou dérisoire ?, les trois peut-être ...

Pas suffisant pour notre vaillant petit garde-rouge qui n'en n'a pas fini avec la déchéance capitaliste américaine ! Faut faire la peau à son grand prêtre, Andy bien sûr ! Prêt ?
"L'expression picturale de ce monde, cinématographique, c'est Warhol, clown triste ou dompteur cynique, agitant les marionnettes d'un monde qu'il s'est construit, narcisse décadent, fascisant qui appelle la mort, la destruction des visages, des voix, des corps, avec le déguisement, les fards trop lourds."
Monde dont le Velvet constitue l'expression sonore.

Suit un historique confus et bricolé du groupe , produit "des recherches de John Cale s'inspirant de La Monte Young et de celles de Lou Reed, plutôt rock n' rolliennes"...bien qu'il ait une approche classique du piano" ...

Et de sa rencontre avec Warhol, qui "les fit entrer dans le cénacle des initiés de la Film-makers Cinémathèque, leur donna un endroit pour répéter au sein de sa célèbre Factory, univers où se concrétisaient ses phantasmes en même temps qu'usine d'où sortaient par kilos des compositions pop en série, destinées à faire la joie des snobs bourgeois et la fortune de Warhol".

Au passage, il leur refourgue Nico, "ex-mannequin starlette",et Gérard Malanga, " l'un des princes factices de ce faux Hollywood warholien" et son fouet, tout cela face à "un public cerné, traqué dans ses derniers retranchements mentaux (!), possédé peu à peu par cette frénésie des sons et des couleurs, cette galerie de monstres fascinants, cette atmosphère trouble, perverse".

Bref, on est quasiment dans le Berlin de la fin des années vingt, le capitalisme pourrit, se meurt, tandis que rôde l'hydre fasciste puis nazie !

Suivent les "vomissures et autres perversions de la ville" que reflète le premier album, le deuxième marquant "l'étape ultime d'une destruction dans le narcissisme masochiste - encore ! - filiation directe de Sacher Masoch."

Ne tremble pas, ami lecteur ! Car arrive la rédemption !

Le Velvet s'éloigne "comme un papillon sombre" (?) du monde d'Andy Warhol. Et "les hôtes du Chelsea se dispersent".

Sonne alors l'heure de la vengeance morale de la véritable Gauche new-yorkaise : "Warhol est contesté par les mouvements qui tentent de réaliser une véritable révolution sexuelle, et qui s'insurgent contre LES TENDANCES FASCISTES DE SES FILMS" !!! 

On ne rigole plus : Le Gay Libération Front et le Women's Lib passent à l'attaque, évacuent les pellicules d'Andy "pour passer ... la Bataille d'Alger" ! Le film de Pontecorvo comme antidote à la débordante sexualité fascisante du pauvre Andy !

Le tiers-mondisme / tiers-mondain est là, prêt à asséner le coup final aux perversions du grand Capital américain et de ses valets, son "érotisme pervers, son goût du monstrueux, du barbare, de la profanation qui est - on ne rêve pas... - " un pur produit du puritanisme  et du mysticisme qui reste latent dans le peuple américain : LE CHANT DE LA DÉCADENCE" !

Ne manque que l'intervention décisive et attendue du prolétariat new-yorkais... aux dernières nouvelles on attend encore, cinquante ans après...

On s'épargnera toute la fin de ces six pages qui se concluent sur le retour du "papillon sombre aux ailes de soie, travesti en gigolo de cuir noir qui rencontre les prostitués de rues de la nuit, portes cochères ou pissotières, et fourgue l'héroïne des éclatements du voyage de la mort "

Pur délire qui connaît son acmé : "New-York, la sangsue, la puritaine (?) violée par le crime quotidien. Velvet, point limite d'une destruction chantait la mort, celle du vieux monde."

On se rassure : New-York s'est remise de ce viol, son rock aussi, contemporain de la bande-son du Paris-rock constituée par Martin Circus ou les Variations...

Demeure une interrogation : mais que faisait donc Philippe Paringaux pour laisser publier un tel papier ?
Il devait avoir baby-foot ce jour-là...












Commentaires