Que d'histoire (s)...

"Chaque époque incline à penser qu'elle est en quelque sorte la dernière, qu'avec elle se ferme un cycle ou tous les cycles. Aujourd'hui comme hier, nous concevons plus aisément l'enfer que l'âge d'or, l'apocalypse que l'utopie, et l'idée d'une catastrophe cosmique nous est aussi familière qu'elle l'était aux bouddhistes, aux présocratiques ou aux stoïciens. 
La vivacité des nos terreurs nous maintient dans un équilibre instable, propice à l’éclosion du don prophétique. Cela est singulièrement vrai pour les périodes consécutives aux grandes convulsions. 
La passion de prophétiser s’emparant alors de tous, les sceptiques comme les fanatiques jubilent à l’idée du désastre, et se livrent de concert à la volupté de l’avoir prévu et claironné. 
Mais ce sont surtout les théoriciens de la réaction qui exultent, tragiquement sans doute, devant l’imminence du pire – du pire qui est leur raison d’être."
Émil Cioran, Exercices d'admiration, Joseph de Maistre. 
Quarto Gallimard, p. 1542.

Voilà qui peut aider l'honnête homme, ou ce qu'il en reste..., à jeter un regard non-bovin ou non-moutonnier, comme l'on voudra,  sur les temps qu'il traverse avec plus ou moins de bonheur.
Et Cioran de se faire encore plus précis à la page suivante du même ouvrage : "Pour saisir le sens des évènements, envisageons-les comme une matière offerte à l’œil de l'observateur revenu de tout. Qui fait l'histoire ne la comprend guère, et qui y participe d'une façon ou d'une autre en est la dupe ou le complice."
Pour terminer - provisoirement... - ainsi : "Seul le degré de notre désabusement garantit l'objectivité de nos jugements; mais la vie étant partialité, erreur, illusion et volonté d'illusion, porter des jugements objectifs, n'est-ce point passer du côté de la mort ?"

Comme une idée d'une prochaine objectivité totale... mais à quoi bon ?



 

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