Décoloré !

 "… la peau blanche n'est pas naturelle à l'homme, qui a normalement le teint noir ou brun, comme nos ancêtres les Hindous; par suite jamais un homme blanc n'est primitivement issu du sein de la nature, et il n'y a donc pas de race blanche, même si l'on fait beaucoup de discours à son sujet : tout homme blanc est un homme décoloré. 
Repoussé vers le Nord, qui lui est étranger, où il ne subsiste qu'à la manière des plantes exotiques et a, comme celles-ci, besoin d'une serre en hiver, l'homme est devenu blanc au cours des millénaires. 
Les tziganes, tribu hindoue dont l'émigration ne remonte qu'à environ quatre siècles, font apparaître la transition du teint des Hindous au nôtre.
Dans l'amour la nature tend de ce fait vers les cheveux foncés et les yeux bruns, comme vers le type primitif; mais la peau blanche est devenue une seconde nature, - pas au point toutefois que le teint brun des Hindous nous répugnerait."

Métaphysique de l'amour. ( Suppléments au monde comme volonté et représentation ). Éd 10-18, 1964.




Ce qu'il y a - entre mille autres plaisirs de lecture - de réjouissant chez Schopenhauer, c'est tout à la fois la certitude et la surprise de voir surgir, au détour d'une page, un thème, une idée, une digression qui peuvent aborder une foultitude de thèmes aussi divers que baroques, variations sur ce qu'il avait nommé au début du "Monde comme..." "son unique idée" : "Le monde est pure volonté d’une part et d’autre part, il ne nous est donné que comme représentation."


Ainsi cette affirmation sur le caractère non-naturel de la peau blanche, à faire frémir d'indignation les tenants d'on ne sait quelle pureté ethnique...


Dans un autre registre, Big Bill Broonzy livre ici, en 1947, sa lecture personnelle des couleurs...

"If you was white, you're alright,
If you was brown, stick around,
But if you're black, oh, brother,
Get back, get back, get back."



Commentaires

  1. Ce qu'il défend est juste (dans le sens de justesse pas de justice) mais la démonstration est un peu simpliste. Un chouia de provocation aussi (ça reste l'Europe amidonnée du XIXème). La dernière phrase, quant à elle, est une de ces considérations loufoques dont il a le secret. C'est aussi pour ça qu'on l'aime (et ses petits détours sont effectivement du bonbon) .

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