Rock & Folk, 50 ans après. Épisode VIII.


Janvier 73. Un grand numéro du cher vieux magazine qui cadre parfaitement avec le souvenir - presque - toujours enjolivé qui y est attaché.

Il ouvre sur une douzaine de pochettes légendaires revues par le stupidissime Hamster Jovial : Gotlib à son acmé, sans illusions et si tendre... - with a little help du grand Jean Solé.
Échantillons : 

                    


                     

On passera vite sur les perles - Interview de Brassens - qu'on retrouvera plus loin : quatre pages consacrées à son dernier album en date :
- "De vous Brassens, on a dit que vous étiez le Dylan français; plus récemment on a même écrit que Dylan était le Brassens américain.
- Tout ça c'est bien gentil qu'on soit le Dylan ceci ou le Brassens cela, ce qui importe c'est d'écrire pour rendre heureux un public rencontré. Dylan le fait. Moi dans mon coin plus modeste je le fais."


Reportage sur Pink Floyd à Marseille pour assurer la musique d'un spectacle des ballets de Roland Petit, le groupe apostrophé d'un : "ô gentils flamants roses" ! ... en 1973 !


Et Ange ! Ange ! Qui se souvient encore de ce groupe, "grand prix de la pop music française" - c'est dire le haut, très haut niveau ! Quatre pages et ceci en exergue : "Nous voulons que les gens soient heureux après nos concerts. Pas pendant".  "Pop music française"...


Enfin, une tentative sympathique, mais vouée à l'échec car trop littérale, de traduction de deux morceaux de The Band , rien moins que "The Weight" et "The night they drove old Dixie down". On a connu plus faciles comme textes...


Après les perles, les bijoux !

Le premier article sur l'immense musicien - il deviendra un peu emmerdant puis carrément chiant beaucoup plus tard - qu'est Ry Cooder, sans lequel l'âge d'or des Stones de 68 à 72 n'aurait sans doute pas été tout à fait le même. Ses trois ou quatre premiers albums n'ont pas pris une ride.


La première apparition - à ma connaissance - d'une grande plume du journal - Yves Adrien. Qui débarque en force pleine page : "Trash" : d'emblée une mini-chronique d'une toute fraîche compilation qui fera date "Nuggets". 

Et quatre pages sous le titre "je chante le rock électrique", ample et élégant résumé d'une histoire provisoire d'un certain rock - en gros, de Chuck Berry et Little Richard à Bowie et aux Stooges, en passant par les Them, Yardbirds, Stones, Ronnie Bird. Apparition de "Punks" en tant que vocable.

Extrait, pour le plaisir, comme le disait Herbert Léonard : "C'est cela le rockanroll : TIRER LA LANGUE, descendre les autoroutes, la nuit, dans un vieux bus crachant des chansons de Chuck Berry. Et, de toutes les parures adoptées par cette musique, il en est au moins une qui lui sied à ravir. Je veux parler de la Wild Thing et de sa vocation d'outrage. Le feu dans la poudrière américaine des fifties. La gorge brûlante pour avoir oublié d'avaler sa salive. Dynamite !!! 

Cette "chose sauvage" fournit aux grands pionniers l'énergie initiale. Mais l'histoire ne s'arrêta pas là. Car on retrouve l'outrage, vers 1963-64, dans la musique des Stones, Kinks, Who, Pretty Things.

La seconde moitié des sixties verra d'immenses personnages - Jim Morrison, John Kay, Iggy Stooge - le revendiquer. 

Et, aujourd'hui, Alice Cooper, les New York Dolls ou les Groovies le perpétuent. Les lignes qui suivent n'ont d'autre prétention que de refléter cette continuité. Pour ceux qui aiment leur rock violent, éphémère et sauvagement teenager..."

Bref, l'honnête homme peut en conclure, avec le recul, que tout a commencé à merdouiller après Alice Cooper...


Autre première : Roxy Music. On cite :

- "Ambivalence du groupe : intellectualisme / populaire."

- Réponse : "C'est vrai". (Bryan Ferry)


Couverture - Andy McKay, le plus beau de la bande, vendeur donc mais officiellement, c'est parce qu'il "assure le trait d'union entre ces deux pôles qui coexistent et font ainsi la force de Roxy Music : Bryan Ferry et Eno sont des intellectuels, dandys et raffinés qui distancient leurs propositions musicales, leurs attitudes scéniques" - beau, non ? ; "Phil Manzanera, Paul Thompson et Rik Kenton, essentiellement des musiciens de rock professionnels qui apportent le savoir-faire musical à l'ensemble" - et là, peut-être, pour porter le matos aussi...?

Et interviews croisées de chacun ou presque des zigotos, Ferry et McKay surtout, Eno et Manzanera en intervenants ponctuels. 

Ces gens étaient talentueux, intéressants, polis et cultivés : en témoignent leur parcours au cours des cinq décennies suivantes, Eno devenant même une sorte de musicien contemporain "capital".

Eno : "Je vivais, quand j'étais enfant, près d'un camp militaire américain, aussi je pouvais me procurer tous les « singles » qui étaient à l'époque des succès aux États-Unis et qui n'étaient pas nécessairement édités en Angleterre. J'avais une énorme collection de 45 t de la fin des années 50 et du début des années 60 : Joey Dee and the Starlighters, etc., plus de cent groupes comme cela.

Tout cela me parvenait sous le nom de rock'n'roll, mais je ne connaissais rien de ses racines ethniques, je n'avais aucune idée de ce que pouvait être la musique latino-américaine ou négro-américaine. Pour moi, le rock'n'roll signifiait uniquement quelque chose de sauvage : j'ai dû alors subir des influences les plus bizarres.

Quand j'ai entendu les premiers disques de Bill Haley, Elvis Presley, Little Richard, alors il m'est venu à l'idée que peut-être un jour je pourrais m'essayer à travailler dans le contexte de la rock music".

Pour qui connaît la suite de sa trajectoire musicale...

Eno, qui se hasardera à un moment à évoquer l'avenir du groupe : pas de bol ! Ferry le virera après le deuxième LP... la sempiternelle histoire de deux crocodiles dans le même marigot...


Six pages à l'occasion d'un concert de Santana à Paris. Avec Henri Michaux comme caution culturelle : "C'est à un combat sans corps qu'il faut te préparer, tel que tu puisses faire front en tous cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s'apprend par rêverie."

Devait y avoir un rapport avec le rock latino sans doute... Mais bon, c'est pas "Best" ici...


Un excellent papier, sobre, pas racoleur, sur une Soul Music alors en pleine évolution / politisation. On insiste ici sur un bref historique, en gros de Ray Charles à Tamla-Motown.


Et puis... Paringaux qui rame sur quatre pages pour la promotion d'un de ses chouchous de longue date... Chicago ... Hélas ! Tout semblait déjà avoir été dit sur les deux excellents et premiers double- albums... même si le "Chicago V" a pu faire illusion.


Et des disques. Á foison.

Lou Reed et son "Transformer", peaufiné par Bowie..., justement deux rééditions sixties - "Space Oddity" et "The Man who sold the world"; l'extraordinaire double LP de feu Duane Allman "Anthology"; la B.O.  foutraque d'un film foutraque de Neil Young - qui a vu "Journey through the past" ? Quand et ou ? ; des imports à la pelle : Winwood, Al Kooper, Joe Cocker, Taj Mahaj, Billy Preston; l’écœurante deuxième version symphonique de Tommy, alors que l'original, ma foi...; le retour de James Taylor, survivant du naufrage d'Apple Records. 

Et plein d'autres petites galettes.


Sans oublier la suite de l'enquête - deuxième volet - de "Comix" : Crumb en tête d'affiche : 



Ni, horresco referens, un "Bricoles" d'anthologie, avec comme illustration musicale l'immarescible "Hollywood Boulevard" des Kinks.

L'incipit, pour la route : "Tout là-haut c'est une nuit de velours. Aucun souffle ne remue l'image noire du grand magnolia posée sur le gravier blanc. Un gramophone envoie des tangos à la lune immobile, dans leurs deux coupes le champagne s'éteint d'oubli.  Ils se tiennent debout sous la lumière argentée, les pieds dans leur ombre, un pli à la bouche. 
Loin en contrebas, Hollywood noie son lait électrique dans le brouillard accroché aux collines. Froide et humide est la pierre de la balustrade, frêle rempart au dessin d'Italie qui sépare la terrasse du vide. 
S'ils font un petit peu glisser leur main vers l'avant, ils croiront l'enfoncer dans le ciel à effleurer les étoiles."
Beau comme du Paringaux...




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