Mama Shelter

"J'ai emprunté et lu Le Crépuscule des esprits ou comment philosopher à coups de marteau. Il est vrai que c’est une torture pour le cerveau et ses autres livres font certainement le même effet à leur manière."
"Je ne peux me décider véritablement à le lire", ajouta t-elle en une autre occasion". Avant de suggérer de ne pas procéder à la publication "de l'horrible Antéchrist et de certains poèmes, qui (la) chagrinent amèrement."
Et de conclure : " Je crois que la philosophie n'est pas faite pour les femmes, nous y perdons le sol sous nos pieds".

"Laisse donc ma petite maman,  lui répondit avec une tristesse résignée son "si cher enfant", c'est écrit d'un autre point de vue."

D'évidence, dévote et d'une culture rudimentaire, "sotte et imbécile" ainsi que la qualifiait son fils Frédéric, par ailleurs auteur d'un "Crépuscule des idoles", Franziska Nietzsche n'était pas la mieux à même d'apprécier les textes de son si cher "Fritz". Leur contenu l'épouvantait, gage d'un futur séjour en enfer pour l'âme de son "adorable enfant".

Tristesse et compassion sont au rendez-vous de la soixantaine de lettres adressées par la mère de Nietzsche à Franz Overbeck, ami fidèle par delà les années de son fils. Est déjà présente l'épouvantable et manœuvrière "Lisette", sœur précocement nazie - avant même Hitler ! - et follement antisémite qui entamait, à sa manière, une pitoyable déconstruction avant traficotage de l’œuvre de son frère.

La mère, armée de son amour, ses superstitions, ses préjugés, veilla sur lui son tant qu'elle le put, après l'effondrement de Turin.
Elle aurait mérité d'être une mère italienne, corse, arabe, méditerranéenne en somme. 
Ou juive.



Franziska Nietzsche, Les billets de la folie. Ed. Bouquins, 2023.


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