Borges et l'Oncle Arthur.

Un homme qui cultive son jardin, comme le voulait Voltaire.

Celui qui est reconnaissant que sur la terre il y ait de la musique.

Celui qui découvre avec plaisir une étymologie.

Deux employés qui dans un café du Sud jouent un silencieux jeu d’échecs.

Le céramiste qui prémédite une couleur et une forme.

Un typographe qui compose bien cette page, qui peut-être ne lui plaît pas.

Une femme et un homme qui lisent les tercets finaux d’un certain chant.

Celui qui caresse un animal endormi.

Celui qui justifie ou veut justifier un mal qu’on lui a fait.

Celui qui est reconnaissant que sur terre il y ait un Stevenson.

Celui qui préfère que les autres aient raison.

Ces personnes, qui s’ignorent, sont en train de sauver le monde.

Jorge Luis Borges. Les Justes (1981).

Sagesse pour temps déraisonnables. Mais ne le sont-ils pas tous, depuis toujours et pour toujours ?
De l'art - de la musique surtout - et de la compassion pour ne rien ajouter aux malheurs des temps : Schopenhauer y voyait là le remède à l'ennui et la souffrance... 
De là à pouvoir sauver quelque chose...


Gavin Bryars - The Sinking of the Titanic. (1975).
https://youtu.be/2oVMRADOq5s

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