Léautaud, voyeur voyant.

Pioché dans le journal de l'aimable et jovial Paul Léautaud, à la date du 13 juin 1936: 

" (...) Arrivent ensuite Gaston Gallimard et sa femme. On se met à table. Conversation, moi muet tout d’abord, sur le dernier roman de Céline : Mort à crédit. Unanimité à le célébrer. Grand déplaisir pour ma part à entendre parler d’un livre et le célébrer sous le jour d’une chose réussie, bien combinée, produisant bien ses effets, comme un tour de force difficile et réussi, la difficulté à vaincre etc. etc. Je n’ai jamais pu voir la littérature sous cet aspect On me demande mon avis. Je dis que lorsque j’ai reçu le premier Céline :«Voyage au bout de la nuit», je l’ai feuilleté et quand j’ai vu ce vocabulaire je l’ai laissé là, que je n’ai lu du nouveau que des extraits dans des articles de critiques et que cela me suffit. Je n’ai aucun goût pour ce style volontairement fabriqué, que les inventions ne m’intéressent pas comme sujet ni comme forme. 
J’ajoute que dans moins de cinq ans, on ne pourra plus lire un livre de ce genre."
Journal littéraire, Mercure de France.

Conneries mises à part - et celle-ci est remarquable par sa  profondeur d'analyse et sa lucidité - , le Journal littéraire est une mine de plaisir (s) et de méchanceté (s) qui en fait une lecture bien roborative en ces temps d'eau tiède et de bonace littéraire.

Échantillon sonore de l'olibrius:



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