Rock & Folk, 50 ans après. Épisode XII.

D'emblée, la couverture. Ridicule.




Reflet fidèle de l'actualité du Rock en ces temps ? Slade ? What the fuck !!
... Admirable, le point d'interrogation... pitoyable prélude à neuf pages consacrées à un pesant pastiche du magazine à l'intérieur du magazine. Papier gâché. Reste une question : qui a bien pu un jour, un seul, avoir un intérêt quelconque pour ce ramassis de pitres ? Passons.
The best is yet to come !

Faut dire qu'au rayon rock et démocratie, les lecteurs ont voté. Sont élus :
groupes : Pink Floyd, Who, Stones.
chanteurs : Neil Young, Daltrey, Jagger.
chanteuses : Grace Slick, Maggie Bell, Tina Turner.
guitaristes : Clapton, Page, Alvin Lee.
claviers : Keith Emerson, Nicky Hopkins, Rick Wright.
cuivres : Miles, Bobby Keys, Jim Price.
musiciens : Bowie, Townshend, Neil Young.
On s'arrêtera là. Le Peuple a toujours raison.

Retour d'Adrien : "Sans l'énergie, la critique rock ne serait bientôt plus qu'un fonctionnariat groovy" - le punk avait du flair : la crise de l'énergie explose cinq mois plus tard. Et on y est encore, sous des formes différentes et sans cesse renouvelées, bien sûr. La critique rock ? Encore un sens aujourd'hui ? - hormis un carnet de deuil de plus en plus fourni...
Et avec Adrien, le retour d'une élégance certaine : "le soleil est revenu éclabousser Paris de sa folle punkitude". Illustrations : Gary Brooker et le "Grand Hôtel", John Cale et "Paris 1919". Cinquante ans après, deux merveilles sans une ride, mais avec tellement de regrets et nostalgie - qui serait encore capable de livrer deux opus de cette densité musicale et littéraire ? Proustiens en un sens, oui.


Ce qui faisait le charme irritant du cher vieux magazine : quatre pages plus loin, un éloge de la revue "Que choisir ?", lequel outre sa "guerre contre les déodorants", "dénonce le problème du mercure dont le taux monte chez les poissons et plus particulièrement les moules"... Un doute vertigineux me saisit : les moules sont-elles des poissons ?

Suivies d'un truc passé inaperçu alors que c'était - potentiellement - l'info la plus extraordinaire de l'histoire du rock - avant le non-décès d'Elvis, mais ça, ce fut beaucoup plus tard : la reformation à Los Angeles de rien moins que les Beatles ! Sans Macca, certes, mais enfin les trois autres étaient là, ensemble, dans un même studio. Et avec Klaus Voorman de surcroît ! L'affaire était pliée !!! Tous réunis pour une session destinée à l'album de Ringo, même que le producteur du truc, Richard Perry, annonce qu'il fera "écouter les bandes à Paulo"... "Peut-être ressentira-t-il le besoin de contribuer personnellement à ce qui a été fait..." ajoute t-il suavement...
Bon, vous connaissez la suite. Et la fin.

Plus délirant encore eu égard à la qualité des intervenants en présence, relation de vingt ( ! ) pages parues dans "Rolling Stone" d'un "audio-documentaire d'Andy Warhol avec Truman Capote" - j'aurais donné votre vie pour être présent !
Peux pas mieux vous résumer l'esprit du truc : au bout de sept heures ininterrompues, Andy appuie sur la touche stop de son mini K7 - ça marchait comme ça, jeune lecteur de moins de cinquante ans... : motif, il doit aller nourrir son chien !
Capote, lui, est censé couvrir la tournée des Stones pour le magazine US. Censé... il se lasse vite : "Je ne peux pas écrire si le sujet n'a pas de mystère pour moi. Les Stones n'en ont pas. Tout est trop évident. Si Mick Jagger peut apparaître quelque peu mystérieux, c'est simplement qu'il est lui-même son double".
L'exécution suit : "Ce qu'il y a de plus extraordinaire en lui est que, dans tout ce qu'il fait, il n' y a rien qu'il fasse vraiment bien. Il n'est pas... il ne sait pas danser, et en fait, il ne sait pas bouger. Sa façon de se trémousser est une parodie bizarre d'une majorette américaine et... de Fred Astaire. Le plus curieux est que cette combinaison marche, tout au moins pour la plupart des gens".
M'est avis que Jagger a refusé de passer à la casserole du nain pervers...
Qui est persuadé d'avoir trouvé la clef de l'arnaque stonienne : "Le plus extraordinaire, c'est que cette spontanéité n'est en fait pas spontanée du tout. De tous ces concerts des Rolling Stones, aucun ne varie d'un iota. C'est la chorégraphie la plus note-par-note que l'aie jamais vue dans ma vie. Pas un gramme de spontanéité. Et c'est pareil pour le public.
Quelquefois je me disais : « Ca n'est pas seulement le même public, ce sont les MÊMES gens. Ils les mettent dans les bus et les ressortent à la prochaine ville ! Quelquefois je me disais : « Ca n'est pas seulement le même public, ce sont les MÊMES gens. Ils les mettent dans les bus et les ressortent à la prochaine ville ! "


Suit un récit détaille d'orgies diverses et variées backstage qui "laissent Warhol au bord de l'infarctus" ! Extrait soft :
Capote: "Une nuit... au Texas, il devait être quatre heures du matin. J'étais couché mais je ne dormais pas. Keith Richard vient et frappe à ma porte; je fais : "Oui ? "
Keith Richards : "C'est Keith" !
Capote : "Oui, Keith."
Keith Richards : "Venez, il y a une party terrible là-haut."
Capote : "Je suis fatigué. J'ai eu une dure journée et vous aussi; ie crois que vous devriez aller vous coucher."
Keith Richards : "Ouais, venez un peu voir ce que c'est vraiment, un groupe de rock."
Capote : "Je sais ce qu'est vraiment un groupe de rock, Keith. Je n'ai pas besoin de monter pour voir."
Et apparemment il avait une bouteille de Ketchup à la main - une bouteille de Ketchup et un hamburger - et il l'a fracassée contre la porte de ma chambre.
Et Warhol, laconique : "Oh ! que c'est amusant. J'aime tant le ketchup. J'en mange même..."
Dire que Capote a été payé une fortune pour ça... It's only rock n'roll...

Mais c'est aussi, une flopée de concerts : Nico à l'Opéra Comique, "jeune femme seule devant son orgue, le visage faiblement éclairé par un spot bleu, qui permit à cette soirée d'avoir ses instants magiques : Nico la légende, Nico le mythe"... Rassurant pour Bibi : je n'étais donc pas le seul névrosé en ces temps...
Et puis Led Zeppelin, Traffic et son gang de Muscle Shoals, Deep Purple - "naufragé à St Ouen" - et d'autres, King Crimson, ELP, etc.
Et des galettes noires : Deuxième LP de Roxy Music - oui, celui avec Amanda Lear dont on ignorait tout, sauf le "Miss Amanda Jones" des Stones six ans plus tôt..., Led Zeppelin et son "Houses of the Holy", les Byrds en reformation tristounette du groupe original pour ramasser quelques dollars, Donovan en plein crépuscule - Cosmic Wheels... - Soft Machine à son apogée - "Third" -, puis très bientôt chiantissime, Canned Heat sur une pente fatale, Clapton et son scandaleusement et encore aujourd'hui sous-estimé gang US avec Duane Allman, "Derek & the Dominos", orthographiés ici - mais on est au pays du Flamand rose, "Dominoes"... - , Al Kooper et l'autre superbe beauté noire de la Soul Music, Claudia Lennear - une pensée pour Miss Tina, of course -, Larry Coryell, Doug Sham - Dylan aux choeurs -, Rory Gallagher...
Et Léo the last, "Il n'y a plus rien" : fut un temps où je pouvais vous en dire l'intégralité, "Écoute... écoute... dans le silence de la mer il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l'heure..."
Comme quoi, une couverture grotesque pouvait cacher tant de trésors...

On aura garde d'oublier Hamster Jovial en plein trip Alice Cooper :




Et, last but not least, Paringaux et ses Bricoles, sa Grande Zoé qui finira bien mal... Incipit : "La porte à tambour brasse la fumée dans un frôlement de caoutchouc épuisé. Jeu des vitres, jette les lumières de la nuit vers l'intérieur et la tiédeur de la salle sur le trottoir. La Grande Zoé a émergé du tourbillon avec un souffle de glace qui mord aux chevilles les buveurs attablés. Ils boivent. Épaules en plumes froissées, lourdes encore du dehors humide, cheveux de mousse synthétique, elle roule ses hanches entre les chaises et fait semblant de tenir un peu debout."


Un bien beau numéro 76, ma foi...


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