Si sweet.
"Soudain, un chant s’échappe, grandit, emplit l’espace, fracasse la glace de l’air, y tourbillonne, s’arrête, redescend brusquement, rejaillit. C’est le prélude de la Cinq. L’archet va et vient, pareil à une épée, se balance, s’enroule dirait-on, autour de ce qu’il fait jaillir. Une voix profonde coule dans les parois lisses du déambulatoire, s’y love, puis grimpe aux colonnes si blanches, encore qu’elles ne soient éclairées que par reflet, et plonge dans la nef, abîme où elle se perd."
Jules Roy, Rostropovitch Gainsbourg et Dieu. (Ed. Albin-Michel, 1992).
En cette glaciale fin d'année 1991, tout ce beau monde se (re)trouve à Vézelay.
Rostropovitch, - "peut-être même ne savait-il pas qui était Gainsbourg, un autre Russe pourtant" - encore et toujours à la recherche de Bach et "en quête de l’église idéale" pour le trouver - "qui sait si, par moments, il ne se prenait pas pour Bach, lui, Rostropovitch ?" -, y enregistre les six suites pour violoncelle seul, enregistrement auquel "il pense depuis plus de vingt ans".
Gainsbourg, pour sa part, "éprouve une certaine peur à seulement approcher de la basilique, il n’a jamais osé y entrer. Il n’invoque rien, il ne se croit ni héros ni prophète. C’est un poète qui ne croit pas en Dieu et n’a jamais demandé d’aide à personne. Qu’à l’enfer." Il avait laissé son Dieu "fumeur de havanes", voilà que, cynique - mystique, il le cherche, toute énergie envolée, à tout hasard, sans illusions superflues.
Dans deux mois il sera mort.
Jules Roy enfin, qui furète, observe, s’interroge au passage sur des détails - "Qui, de Rostropovitch ou de Gainsbourg, sera oublié ou pas dans seulement un demi-siècle ? " - les deux mon capitaine, les incultes n’auront attendu qu’une petite quarantaine d’années pour régner -, s'imprègne et tient la plume.
Pendant tout ce temps, les chauve-souris volètent sous les absides de la basilique. Elles doivent toujours y être, elles... Bach aussi sans doute.
Ce n'est pas si loin que ça 1991 - une éternité dirait-on...
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