Lucrèce et les condoléances.

Le spectacle de la comédie humaine, s'il n'est jamais avare de surprises, comporte des invariants qui confortent le jugement que l'on peut porter sur ses semblables. Étant bien entendu que nous-même sommes épargnés par de ces menus travers et turpitudes du quotidien.
Ainsi est-il fréquent, au point d'être commun et banal, de voir les lecteurs de leur quotidien régional en entamer la lecture par la consultation du carnet de deuil. Parler de hâte ou de précipitation serait en général excessif, disons qu'ils le font avec un grand intérêt toujours renouvelé.
J'y vois au moins trois raisons.

Être informés tout d'abord, de manière à ne rien manquer du rite sociétal essentiel de la mort scandé par différentes étapes selon la proximité du défunt ou son statut social : visite aux familles, condoléances par principe émues même si parfois surjouées , et, marque d'affection ultime, présence aux obsèques, à l'intérieur de l'Église pour ceux qui désireraient voir et être vus, à l'extérieur pour les épigones du Baron de Coubertin, considérant que, là aussi, l'essentiel est de participer.

Puis ne pas être éventuellement privés de la satisfaction de constater qu'une personne que l'on ne portait pas forcément dans son coeur vous a néanmoins procuré la menue joie de partir avant vous. Ce qui, plus on avance en âge, et donc eu à subir les avanies de ses contemporains, n'est pas négliger.

Enfin, et surtout, se donner la confirmation d'être vivant, et de repousser encore un peu l'inéluctable. "Je lis donc je suis" en quelque sorte.

Tout cela n'est cependant pas bien méchant et ne relève que de la nature humaine.

Revient à la mémoire le "Suave mari magno", début du Livre deuxième du merveilleux De Rerum Natura de Lucrèce, que l'on éprouve toujours autant de bonheur à partager...

Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer infinie,
D'observer du rivage le dur effort d'autrui dans l'épreuve du naufrage,
Non que l'on se réjouisse de la souffrance humaine,
Mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons.

Ne jamais se réjouir de la souffrance ou du malheur des autres, profiter de l'absence de douleur du corps et surmonter ses passions tristes, voilà qui peut sembler un bon viatique pour notre unique voyage.
Avec la beauté bien sûr. Ici en compagnie de Gavin Bryars.


https://youtu.be/Ja3yxuywGh8





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