Bellissima, mais pas que...

De retour d'Italie. Pas tout à fait avec 



C'est ce qu'il y a de bien, entre autres plaisirs, avec Simonetta : on a deux livres pour le prix d'un seul. Amateurs d’autobiographie et férus d'histoire contemporaine, à peine romancée certes, tous en ont pour leur argent. Redoublant ainsi leur plaisir de lecture.

Je me suis souvent demandé, à la lire ou l'entendre, quelles irrationnelles raisons avaient pu conduire la dame à mettre les Alpes entre elle et son pays natal. Le livre en donne une clé - à ce que je crois comprendre - convaincante, émouvante, définitive (?). Mais pas complète.

Car demeurent la mère et un pays - "bellissimi" tous deux. 
Simonetta pour sa part, réussit l'exploit d'être toute cabossée, depuis l'âge de huit ans, et de demeurer intacte - à peu près - face à un monde pour lequel elle nourrit encore quelques espérances. Illusions ? Comme vous voudrez... Simple joie d'être au monde dirais-je.

N'y aurait-il que la dame - on ne lui fera pas, nous, l'insulte de la réduire à son genre en la nommant "auteure" alors qu'elle est UN écrivain - , que cela suffirait au bonheur de lecture. Mais il y a l'Italie. Sans doute le seul pays au monde pour l'amour duquel on pourrait quitter le sien.

Les amateurs français de clichés seront déçus. Mandolines, pâtes et huile d'olive sont peu ou prou absents du livre. Les joies et bonheurs quotidiens de Simonetta et des siens, les traumatismes profonds qui structurent son pays évoqueront sans doute peu de choses au lecteur français. Il n'éprouvera pas par exemple d'émotion à la narration de l'épopée italienne au Mexique en 1970 ou à l’évocation de la personne de l'immense Gianni Brera - on parle ici de Calcio, notion brumeuse pour Footix -, pas plus qu’il ne ressentira ce que les barbares attentats des extrêmes droite et gauche (Cara Simonetta, Toni Negri est un salopard qui a du sang sur les mains, dans la fallacieuse quête du bonheur du Peuple italien qui ne l'a jamais missionné pour cela...) ont pu avoir de destructeurs dans la psyché italienne.

Peu importe. Bellissima est bien dans la lignée de Dolce Vita et des Nouveaux Monstres, eux-aussi romans. Parait-il.
Nés de la richesse intérieure de l'auteur et de la beauté parfois étouffante de ce pays.

Simonetta Greggio, Bellissima. Éd. Stock. 2021.

Ahurissement personnel : L'auteur fait état (p.120) d'un "Manifeste pour la défense de la pureté de la race" publié en août 1938 et qui souligne "le tragique aveuglement de la France qui avec ses troupes militaires de couleur se conduit de manière irresponsable. Un parfait exemple en est la Corse et ses garnisons de troupes nègres. Les bâtards nés des unions de femmes françaises avec ces hommes de couleur sont une honte".

Personne pour dire au pauvre Benito que, depuis les plus hauts temps de l'Antiquité, la Corse a été traversée, conquise ( mais jamais soumise selon une coquetterie locale ) par tous les peuples et peuplades du bassin méditerranéen, barbares ou non, d.Europe orientale et d'Asie mineure, puis terre de razzias des Barbaresques d'Afrique du Nord, etc.
Et que donc, en terme de "pureté de race", nous sommes parés : nul besoin des souillures des "garnisons de troupes nègres" n'existant que dans l'imaginaire sexuel des fascistes !
Au contraire. Nous sommes nous-mêmes "agents de contamination".



Commentaires

  1. Ce court message pour vous remercier d'avoir plus que conseillé la lecture de ce livre, que je suis en train de dévorer. Je ne connaissais pas Simonetta Greggio. C'est toujours pour moi un très grand plaisir de découvrir un très bon écrivain. Et de prendre une grande leçon sur la véritable histoire récente de l'Italie. Pierre L.

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    1. Ses livres précédents vous apporteront le même plaisir de lecture et la richesse de sa vision de l'histoire contemporaine - plus que troublée... - de son pays natal;

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