Glacial.

Paris, Hôtel Majestic, 18 mai 1922.  Dîner au sommet en l'honneur de Diaghilev.
À table notamment, Stravinsky, Picasso, deux écrivains, un parisien,  - qui se pointe à deux heures du matin -  et un irlandais. 
Et un couple de mécènes anglais, les Schiff, Sydney et Violet, organisateurs de la mondanité.
Extraits : 
Le parisien a demandé à l'irlandais s’il connaissait une certaine duchesse. 
Réponse : "Non".
L'hôtesse a demandé au parisien asthmatique s’il avait lu "Ulysses" - "au moins en partie" ( ! )
Réponse : "Non".
Triomphe du laconisme.
Le parisien se plaint de ses maux d’estomac. 
L'irlandais, déjà bourré à son arrivée alors qu'on sert les cafés ( ! ), est d'une humeur massacrante et se plaint de sa vue de plus en plus déficiente.
On décide d'abréger. Tout le monde repart en taxi.

En route, le parisien demande à l'irlandais s’il aimait les truffes. 
Réponse : "Oui".
Le parisien : "Je regrette de ne pas connaître l'œuvre de M. Joyce."
Arrivés au 44 rue Hamelin, le parisien, - évidemment Proust, qui d'autre ? -  dit à Sydney Schiff : "Veuillez demander à M. Joyce de se laisser reconduire par mon taxi."
C'est tout ?
C'est tout. 
C'est le récit de l'unique rencontre entre Marcel Proust et James Joyce.
Le reste est littérature.

Pour mémoire, en octobre 1920, récemment arrivé de Zurich à Paris, Joyce avait écrit à un ami : "Je constate qu’on fait ici une tentative pour lancer un certain M. Marcel Proust en l’opposant au signataire de cette lettre. J'ai lu quelques pages de lui. Je ne lui trouve aucun talent particulier, mais je suis un mauvais critique."


Proust at the Majestic : The last days of the author whose book changed Paris. Richard Davenport-Hines. Bloomsbury Press. (2006).

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