Cioran, cynique ? Cinoque ? Les deux ?
Chaleur humide, étouffante, et un orage moqueur qui s'entête à ne pas éclater : donc sieste inconfortable.
Comme je m'intéresse pour l'heure moins au climat qu'à la météo - individualisme égoïste de l'homme blanc occidental oblige... -, je farfouille dans mon stock de vieux papiers...
Et là, bingo ! Un entretien inédit de Cioran avec un journaliste allemand retranscrit dans le numéro 373 du défunt Magazine littéraire - trop bon sans doute pour avoir survécu à la médiocrité généralisée de la presse française - de février 1999.
Il faudra y revenir, ne serait-ce que pour le règlement de comptes avec Nietzsche, Heidegger et la philosophie allemande en général, et, carrément, l'Allemagne !
Pour l'heure, opiniâtre lecteur, tu feras - ou pas - ton miel de ceci :
"Même le nihilisme est un dogme. Tout est ridicule, sans substance, pure fiction.
Voilà pourquoi je ne suis pas un nihiliste, parce que le rien est encore un programme. A la base, tout est sans importance. Rien n'existe qu'en surface, tout est possible, tout est drame.
Il y a bien sûr l'amour - et je me suis souvent demandé : quand on a tout deviné, tout percé du regard, comment peut-on encore s'amouracher de quoi que ce soit ? Pourtant, cela arrive (...). C'est même ce qu'il y a de vrai et d'intéressant dans la vie. (…) la vie est réellement intéressante et attirante, parce que par-dessus tout, elle n'a aucun sens.
Et, à ce propos, je donne toujours cet exemple : on peut douter absolument de tout, s'affirmer comme un nihiliste, et pourtant tomber amoureux comme le plus grand des idiots. Cette impossibilité théorique de la passion, mais que la vie réelle ne cesse de déjouer, fait que la vie a un charme certain, incontestable, irrésistible. On souffre. on rit de ses souffrances, on fait ce qu'on veut, mais cette contradiction fondamentale est peut-être finalement ce qui fait que la vie vaut encore la peine d’être vécue.
Je n'ai jamais écrit en tant qu'auteur ; croyez-moi, je ne recherche pas la gloire, je ne me prends pas pour un auteur et ne le supporte pas non plus de la part des autres. Je n'ai jamais eu aucune prudence et ai simplement dit ce qui me passait par la tête.
D'une certaine manière, j'ai cherché à démasquer en quelque sorte l'existence, et c'est pourquoi on me considère comme un cynique. Mais si je suis un cynique dans mon expression, je ne le suis en général pas du tout dans la vie.
Et pourtant je reconnais la valeur du cynisme, comme un point de vue taxinomique. J'ai toujours dit que l'on doit écrire ce que sur le moment on vit comme une vérité, même ce que l'on ne devrait pas dire, aussi pénible, frivole ou insolent, que cela puisse être.
Quand j'écris quelque chose ou quand je réfléchis, je n'appose aucune limite à l'expression du sentiment de la vérité. Je n'ai jamais, jamais pensé aux conséquences. Et personne ne s'est jamais suicidé à cause de moi. Au contraire, je connais bien de gens qui disent : grâce à vous, je n'ai pas commis le suicide."
Le problème n'est pas tant que la vie n'a aucun sens, cher Robert Férillet. C'est qu'elle n'a aucune nécessité !
Enfin, il me semble...
Commencer sa journée en lisant ces propos de Cioran est pour moi un vrai bonheur.Merci de les avoir partagés. Pierre L.
RépondreSupprimerPlaisir partagé ! La fréquentation de Cioran déconifie... enfin je crois !
SupprimerOui, une prescription de Cioran (100 mg) nettoie et libère le tissu cérébral de pas mal de scories. Après si on prend pas son remède... ^^
RépondreSupprimerMais il n'y a sans doute aucun remède à rien...
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