Rock & Folk, 50 ans après. Épisode III.

Août 1972.  Pfff...
Pas grand chose, presque rien. On a connu des mois meilleurs.
Trêve estivale ? Impasse révolutionnaire du rock ? ( Rires ). Début de la fin plus probablement.

La couverture, déjà... Keith Emerson, et article à la clé. 


Une des petites et moyennes entreprises - et - impostures du rock. De celles dont on ose ici prétendre - il s'agit de The Nice - qu'"il fut un des groupes qui ouvrirent de nouveaux horizons au rock anglais" : plus avant, mention de Genesis, "un des groupes fondamentaux de la Nouvelle Vague anglaise" - majuscules dans le texte !

Pas le mauvais bougre ce Keith là, le genre de type à passer son temps à se taper bières et gonzesses... belle gueule, et habileté certaine aux claviers. Son truc à lui, que j'avais découvert live en Angleterre en 69, c'était de balancer son orgue, la secouer, grimper dessus et lui planter des couteaux en massacrant un concerto brandebourgeois de Bach ! 
Rigolo cinq minutes, très vite lassant. Mais néanmoins aussitôt baptisé le "Jimi Hendrix de l'orgue" !

The Nice liquidé, rebelote et running gag en compagnie de Lake et Palmer : "L'engin - on parle là de l'orgue j'imagine... - mugit, monstrueux de puissance mais obéissant à la folie quasi-érotique de son maître" ... ...) "Emerson plante ses couteaux de chasse ( ! ) dans le clavier de son vieil orgue ensuite bousculé, renversé, traîné, abandonné fumant et asthmatique". 
On parle rien moins que d'"un musicien qui se permet de jouer du Tchaïkovsky, du Bach, du Sibelius" !
Hyperbole du n'importe quoi. Ces gens se relisaient-ils seulement ?

Autre chose, rayon petite saloperie, relevant de ce qu'on n'appelait encore "politiquement - donc musicalement - correct".

Faire la peau à McCartney était du dernier commun. La doxa chevelue et politisée - les plus droitiers étaient maoïstes ou pseudo - avait tranché : Lennon était le bon, révolutionnaire, héroïnomane, maqué avec la crème de l'avant-garde de l'art contemporain, ennemi personnel de Nixon qui cherchait par tous les moyens à le virer des USA, et, acte de courage suprême, il avait retourné à Buckingham sa décoration de MBE.

En face, McCartney, mignon mielleux, bon père de famille, toujours MBE, pondeur à la chaîne de mélodies imparables, aimable tireur de joints, pas marqué politiquement et donc de droite. Riche, jeune, beau, ultra-milliardaire et talentueux : l'horreur inégalitaire.

Ça fonctionnait comme ça. Et donc, compte-rendu d'un concert de Wings à l'Olympia : Paul "frais et à l'aise dans son impeccable costume blanc - le Pierrot gourmand du rock ? - "un grand sourire dans les yeux sous l'arc parfait de ses sourcils à la courbe nette et fine, un regard candide et rieur toujours étonné depuis dix ans". Même si "le corps n'est plus aussi mince et les traits s'empâtent".
Mais tout cela "n'altère pas le charme d'un visage qui bouleversa les fillettes des années 60" !
Linda - américaine, famille Eastman très très riche mais aucun gauchisme en carton à la Yoko - a son compte également : "Pour ce qui est de la musique, rien, néant. Zéro. Nulle. La honte de la corporation. (...) Son incompétence peut être la cause de la faillite musicale de Wings".

Bien, mais pas suffisant. Il convenait de mettre en scène, par le truchement du portrait d'un bouffon minable, la grandeur de John & Yoko. Qui se souvient de John Peel ? Nullité absolue et zéro intégral, son titre de gloire avait été de composer un morceau exigeant du Pape qu'il se convertisse à la dope - "wouah ! révolutionnaire ça coco ! Top !" - ce qui était la garantie ultime aux yeux DU couple chic qui décide d'enregistrer avec lui, figure de la contre-culture et - là le lecteur doit prendre son souffle - "créateur du Rock Liberation Front-Rock Culture Movement" par lequel il entend "libérer la rock music des vautours culturels dans le but de démasquer et combattre les escrocs". 
Et obtenir " la gratuité non seulement des concerts mais aussi des studios d'enregistrement".
L'avait juste oublié de libérer le PQ, le héros lennonien ! Tout pour séduire le bon Beatle, celui de gauche. 
Là résidait vraiment l'escroquerie et l'abus de confiance.

L'histoire, là aussi, a tranché : son assassinat absurde, cruel, a fait de Lennon un martyr et une icône, le sauvant ainsi en très grande partie du ridicule et du pathétique post-Beatles.
Quant à McCartney... après tout comme le chantait Lennon, c'était bien lui The Walrus.

Un petit tour côté cinéma avant de venir à la musique - la vraie.
Avec Woody Allen, hissé "au rang très honorifique d'empêcheur de vivre bourgeoisement sans mourir de bêtise" ( ??? ) pour son "Take the money and run".
Avec un assez long papier sur les "anti-acteurs français qui appartiennent à la nouvelle histoire du cinéma" - accroche idiote qui permet de retrouver des jeunes gens plutôt intéressants comme Pierre Clémenti - le plus grand acteur corse de l'histoire du cinéma ? -, Jean-Pierre Kalfon et la craquante Zouzou revue ailleurs bien plus tard ( 😉 ).

Musique avec les concerts du mois - le plus excitant, Joe Cocker, cotoyant le plus brouillon - l'Airplane, le plus chiant aussi : "Dès le début, l'Airplane comme on l'a vu, s'est trouvé concerné par les problèmes sociaux américains, en soutenant les victimes de la répression..." Tout le reste à l'avenant.
Et les Stones au plus haut comme ils ne le furent plus jamais après cette tournée américaine de 72.

Paringaux ? Outre un "Bricoles" christique en diable ( ! ) entrelardé d'une démolition acide de la petite-bourgeoisie critique parisienne, il se balade du côté de Montreux, loin de ce capharnaüm, "navigateur égaré en quête d'océan, celui qui arrive par le lac sur sa coquille de noix doit à coup sûr comprendre Pierre Loti et ses exotiques extases". 
Gratuit, mais beau.
En bonne compagnie, le Boss: toute l'écurie Chess ou presque, - Chuck Berry en tête de gondole - Howlin'Wolf étant tout de même "parti à la pêche le jour du départ". Bluesman, un vrai.
Morceau de choix avec Bo Diddley : "Ma musique est basée sur un son tahitien-spiritual ( ? ). Je suis un musicien primitif".

Côté galettes en vinyl noir : rééditions Gene Vincent, un B.B. King de série, un Soft Machine - le V - devenu soporifique, Hendrix à Wight quelques jours avant le départ définitif.

Enfin ce qui suit, lecteur épuisé qui a bien mérité cette chronique in-extenso de rien moins que Ziggy Stardust.







Commentaires

  1. Toujours un peu excitant de lire la chronique d'un disque qu'on a commencé de connaître et écouté en boucle plusieurs décennies après sa sortie (suis né quand Ziggy est "mort"). Merci. Et ce que dit cet Alessandrini tient encore largement debout. Bowie, miroir oui, et de télescope même, car superbe aruspice (déchiffrant le futur du rock dans les entrailles de ses stars mortes, ou tout comme).
    (Cette phrase de Bo Diddley est à moitié bizarre mais je vois exactement ce qu'il veut dire.)

    RépondreSupprimer
  2. Mmouais... comme l'impression quand même qu'il rédige la critique du disque sans l'avoir trop écouté... l'aurait simplement entendu, ça ne changerait pas grand-chose.
    Je ne peux évidemment vous garantir le sérieux de la traduction du mot du cher Bo Diddley... habituelle qualité française sans doute ! Mais, je vous rejoins : je ressens ce qu'il a voulu dire. Là est l'essentiel ! Grand Bo Diddley, grand !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire