Savoir-vivre pour temps déraisonnables.

Durant la Grande Révolution - la française -, si les têtes étaient tranchées plus que nécessaire, l'esprit, lui, ne s'était pas évaporé pas en ces sanglantes circonstances...

Ainsi, dans ses Mémoires, Charles-Henri Sanson, "Maître des hautes et basses oeuvres, exécuteur de la haute et basse justice, exécuteur des jugements criminels" - par ailleurs quatrième d'une dynastie de sept (!) bourreaux de père en fils - relatait en ces termes le dernier voyage effectué le 05 Avril 1794 par les divers Danton, Fabre d'Églantine ou Camille Desmoulins : "Dans la charrette, en allant vers l'échafaud, Fabre se lamentait encore de la perte de sa comédie. Ce qu'entendant, le même Danton lui dit en riant : "Des vers, avant huit jours tu en feras plus que tu ne voudras, et nous aussi."

En véritable professionnel que rien ne pouvait distraire de la bonne exécution de sa tâche, on l'a pourtant dit un peu surpris par l'adieu que lui adressa Armand-Louis François de Béthune, Marquis de Charost. Ce dernier, faisant montre d'un flegme à toute épreuve, lisait, assis au fond de la charrette qui le conduisait à l'échafaud en ce 27 Avril 1794. Au pied de la guillotine, cornant la page de son livre avant de lui offrir con cou, il lança à l'imperturbable Sanson : "Au revoir monsieur, et bonne continuation" !
Montrant ainsi par ailleurs, au delà d'une optimisme digne de franchir les siècles, qu'un livre est toujours le meilleur compagnon pour affronter les incertitudes de l'avenir...

Ce même Sanson, destinataire des dernières paroles de Marie-Antoinette le 16 Octobre 1793, avait précédemment prouvé qu'on pouvait être bourreau et néanmoins homme : Il ne fut pas, dit-on, insensible au mot de la Reine, - "Monsieur, je vous demande excuse, je ne l’ai pas fait exprès" -, après qu'elle lui eût marché sur un pied.

Il fut donc un temps où le savoir-vivre n'allait pas sans un certain savoir-mourir. Certes, notre époque vient de montrer, en des contrées plus exotiques, que la remise en honneur de divers échafauds ou guillotines, - quand bien même pour la plus grande gloire de la religion d'amour -, ne s'accompagnait généralement pas de mots d'esprit. Mais il serait peut-être bon de s'en souvenir dans la perspective des temps plus agités qui pourraient poindre à l'horizon. Sans guillotine rustique mais avec la sophistication des moyens qui siéront aux circonstances...
Et de se tenir prêt, sous l'oeil de caméras qui ne manqueront pas d'être omniprésentes, pour des réparties dignes de franchir les siècles. 
Une sorte de quart d'heure warholien long de quelques secondes, intervenant in extremis.
Mais destiné à quelque éternité, cathodique au moins.

En attendant, et ne serait-ce que pour Maurice Ronet...
Miles Davis. Ascenseur pour l'échafaud.

https://youtu.be/7Op1WDZk850






Commentaires