Van the Man & Astral Weeks.

La presse musicale - enfin l'anglo-saxonne... - n'en finit plus de célébrer 1968. Faut dire que la matière est conséquente !
Dylan était certes en vacances, présent quand même au travers du Band de Music from Big Pink - et pas seulement pour la pochette ... -, et Elvis maigrissait à vue d'oeil pour préparer un retour bardé de cuir à Las Vegas pour l'année suivante - le '68 Comeback Special diffusé en décembre sur NBC en donnant un avant-goût somptueux.
Pour le reste, et dans le désordre d'une mémoire nourrie par cinquante ans d'écoute, Beatles, Hendrix, Stones, Cohen, Big Brother et Janis, Kinks, Doors et Byrds, kyrielle de pures merveilles. Et qui le demeurent.
Ajoutons-y pour faire bonne figure Aretha et Randy Newman, les aventures de Stills avec Kooper et Bloomfield, deux, trois autres pépites : le compte y est pour un très long séjour sur la fameuse île déserte !
Pas tout à fait cependant...

Toute objectivité tue - l'objectivité, cette foutaise ! -, LA perle absolue de cette année, astre noir qu'on ne finit jamais d'explorer tout à fait, fut et demeure Astral Weeks.
Je n'ai découvert le disque qu'en ... Avril 70 à la faveur d'un de ces papiers fleuves dont Philippe Paringaux était coutumier - il devait encore nourrir quelques illusions sur les capacités ou les degrés de patience de son lectorat... -, Rock & Folk canal historique, bonheur rare de nos jours de pouvoir lire dans la presse la prose de gens sachant écrire. Pour tomber sous le charme d'un disque que je n'avais encore jamais écouté ni même entendu. Urgence de l'achat et chance absolue de tomber sur un import !
L'article m'avait plus que séduit. Plus tard, la lecture d'une des nouvelles composant le "Dubliners" de Joyce - "An encounter" - devait faire émerger à ma conscience des motifs et correspondances, qui m'expliquaient a posteriori l'inhabituelle émotion provoquée par un article de presse. 
À croire que Belfast et Dublin ont décidément quelque chose à voir...

Car Astral Weeks n'est pas qu'un disque rock. Pas davantage pop ou folk. Rien de tout ça. Plutôt "A mystical document", comme l'a qualifié Lester Bangs, qui en a fait, une dizaine d'années plus tard - fallait bien ça pour digérer... - la critique définitive : "the rock record with the most significance in my life so far". Bangs répondait en l'occurence, en compagnie d'écrivains, Nick Tosches entre autres, à l'invite de Greil Marcus de désigner le fameux "album pour île déserte". L'ensemble fut recueilli et publié dans "Stranded, Rock and roll for a desert island" en 1979.

Enregistrés à Boston en deux / trois jours avec une poignée de musiciens de jazz auxquels il n'adressa pratiquement pas la parole durant les sessions mais laissés libre de broder sur des thèmes écrits, huit morceaux aux charmes inépuisables. Huit morceaux seulement.
Ceux qui connaissent savent.
Et ceux qui ne le connaissent pas ont bien de la chance de pouvoir le découvrir. Enfin, ceux qui sont suffisamment pourvus en oreilles et en âme pour entrevoir la beauté. 
Les autres continueront de transpirer avec les ahanants ahaneurs habituels. Bourrins avec des bourrins, la vie est bien faite...

Ajoutons, juste pour situer le niveau, que Scorsese a assuré avoir écrit les quinze premières minutes de Taxi Driver à partir du disque - "based on it", rien de moins - et que Philip Seymour Hoffman l'a cité dans son discours de réception de l'Oscar en 2005 pour Truman Capote.
Il est de pires compagnies dans certaines confréries d'aficionados...

"I saw you coming from the Cape, way from Hyannis Port all the way,
When I got back it was like a dream come true.
I saw you coming from Cambridgeport with my poetry and jazz,
Knew you had the blues, saw you coming from across the river…"


Enjoy !




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