Calligarich, Roma.
L'Italie, encore et toujours, pour toujours. Quoi d'autre en fait ?
Rome ici, avant de retrouver Naples et l'ami Philippe Vilain... une question d'heures sans doute, avant un deuxième rendez-vous dans quelques semaines avec Diego Armando Maradona. Naples, vous dit-on !
Rome donc. Celle de la fin des années soixante et du début de la décennie suivante. Période grisâtre entre l'éclat flamboyant de la Dolce Vita - Via Veneto, Cinecittà et Fellini - et les années noires et de plomb des Brigades rouges, des ultimes ( ? ) soubresauts d'un fascisme certes mort mais tout à fait enterré, Aldo Moro et la gare de Bologne...
Rome géographiquement délimitée - celle que l'on connaît et pratique trop peu souvent, entre le Trastevere et la Piazza del Popolo, la Piazza di Spagna et la Piazza Venezia. L'omnipotence commerciale du temps et ses légions de touristes la macule de sa vulgarité mais rien n'y fait vraiment : d'autres barbares sont venus et ont vaincu, avant d'être avalés et digérés. Pas d'inquiétude donc, juste de l'irritation.
Le roman, lui, puisque livre il y a, date de 1973.
Avant de disparaître sous la marée de papier contemporaine et de renaître - j'ignore pourquoi et comment - en 2016 en Italie. Et en 2021 chez Gallimard - maison sérieuse malgré tout.
Qui dit roman dit héros : Leo, plus ou moins journaliste sportif, mondain pas entièrement converti au cynisme las du Mastroianni de Fellini, plus proche du cynisme désabusé du Servillo de Sorrentino.
Que dire de plus et de mieux que l'énumération de sa bibliothèque ultime : Homère, Conrad, Fitzgerald, London, Flaubert, Chandler, Le Quatuor d'Alexandrie, Shakespeare et Tchekhov.
Voilà qui vous pose un homme - une bizarrerie dont il est légitime pour une héroïne de s'interroger sur la planète dont il provient.
L'héroïne justement : Arianna, qu'on devine superbe comme peut l'être une italienne de son âge, dont la fonction est de saccager, volontairement ou non, son environnement, et qui finira comme doit finir une italienne superbe de son âge.
On aura deviné que ce roman est un bijou, à peine alourdi certes par une traduction souvent irritante, à coup d'envahissants "abracadabrant (e)" et d'urticants "brancal (s)".
Ça s'appelle "Le dernier été en ville", d'un certain Gianfranco Calligarich.
C'est en Folio, donc aucune excuse pour les radins - le prix de deux cafés dans un de ces troquets bas de gamme dégoulinant de prétention et de musique merdique qui pullulent.
Et c'est un véritable plaisir de lecture.
Rome, extrait :
"De tous les hôtels où j'avais habité, celui derrière le Campo de Fiori était mon préféré. J'aimais y rentrer le soir en passant par les ruelles et traverser les places vides et silencieuses. C'était le vieux cœur de pierre de la ville que, cinq siècles auparavant, des architectes visionnaires avaient construit sous les ordres de sévères pontifes et où un nombre démesuré d'églises, écrasées entre les palais, élevaient leurs crêtes de travertin pour indiquer la possible atrocité du ciel.
De jour, le quartier était une fourmilière mais vers le soir on sentait qu'on était en dessous du niveau du fleuve et, sur les murs des bâtiments, des plaques de pierre portant une date témoignaient des niveaux atteints par d'anciennes crues. À l'abri des digues les plus hautes, le quartier s'était comme desséché. De grandes lézardes sillonnaient les murs des bâtisses, les crépis se détachaient et, en marchant dans les rues, on pouvait voir à travers les fenêtres les plafonds historiés partir en miettes."
Commentaires
Enregistrer un commentaire