Napoli.
On s'en doutait bien depuis son riche et délicieux essai "Mille couleurs de Naples" paru il y a deux ans, on en a la confirmation aujourd’hui avec sa "La Malédiction de la Madone" - on hésite à le tenir pour simple"roman"... - Philippe Vilain, plus que jamais écrivain, pas seulement romancier, est un écrivain "italien" contemporain.
Pour cela, il ne suffit certes pas de résider en Italie. À ce compte...
Il faut y respirer l'Italie, et dans son cas, Naples - Napoli serait plus juste. L'humer, la sentir, la ressentir. Souffrir de l'ironie lourde et méprisante des gens du nord de la péninsule et du nord de l'Europe, enrager et pleurer de joie après tel ou tel match du Napoli - la semaine dernière face à Liverpool : un "capolavoro" ! - pouvoir s'exprimer et à jurer spontanément en napolitain et non "dans la langue de Dante", associer tel ou tel lieu à une émotion personnelle - deuil familial, peine d'amour.
Vivre Naples et pas seulement à Naples.
Se défranciser en quelque sorte. Faute de quoi...
Naples donc Pupetta. Autant prévenir le futur lecteur : nulle trace ici de l'habituel et pesant folklore à base de chanteurs roucoulants, de pizza et d'huile d'olive, de vins rouges puissants et de limoncello.
Pas plus que de flots d'hémoglobine et de violence esthétisée de séries comme "Gomorra", produits dérivés de livres à succès.
Avec Assunta - connue puis célébrée sous le nom de "Pupetta" - nous sommes bien dans le tragique.
Celui de faits retracés qui ne sont seulement divers mais réels.
Celui de toute existence bien sûr, puisque nous sommes les seuls animaux à connaître notre fin et donc en avoir conscience, mais surtout celui d'un destin implacable, réglé par on se sait qui. Dans ce Naples là, il y a bien longtemps que tout débat entre libre-arbitre et déterminisme est vain, oiseux, superflu.
Faute d'avoir voulu ou pu s'affranchir de son origine sociale, de son environnement culturel tout de petites frappes, de combines plutôt que de grande délinquance, Pupetta a cru se dégager du carcan familial et conquérir ce qu'elle croyait être sa liberté en épousant un voyou d'un statut supérieur. Mais, comme chacun sait, Charybde et Scylla ne sont pas si éloignés que ça de Naples...
Dont jamais elle n'a même songé devoir la quitter.
Tragique donc, mais sans pathos sous la plume de Philippe Vilain. Au style épuré, dont la froideur apparente opère un contraste parfait avec le monde étouffant qu'il dissèque. Et qu'il aime.
On se surprend à se retrouver du côté de Stendhal et de certaines de ses "Chroniques italiennes". C'est dire.
Mille couleurs de Naples, Ed. Stilus, 2020.
La Malédiction de la Madone, Ed. Robert Laffont. 2022.
En produit dérivé il y a aussi et surtout un contrat sur la tête de Roberto Saviano.
RépondreSupprimerJ'avais aimé le film. La première saison de la série est plutôt réussie, ensuite ça se gâte. Mais oui j'imagine que Naples ne se réduit pas à ça.