Ça fait une éternité...

"Où cours-tu ainsi, Gilgamesh ? Ce que tu cherches tu ne le trouveras pas. Quand les dieux ont créé l’humanité, ils l’ont vouée à la mort. L’éternité, ils se la sont réservée, pour eux et pour eux seuls. 
Tant que tu vis, réjouis-toi d’être en vie. Fais la fête, danse, joue de la musique, aime ta femme et ton petit qui te tient par la main. C’est cela, l’occupation de l’humanité. 
Et quand viendra pour toi l’heure de quitter le banquet de la vie, pars dignement, en remerciant, sans regret ni remords."

Environ trois mille ans après l'Épopée de Gilgamesh, Achille poursuivait la même recherche, et connaissait le même échec final. Mais avait la maigre satisfaction de pouvoir s'épancher auprès d'Ulysse, venu visiter les Enfers. 
Lequel pouvait dès lors, pour l'éternité, faire echo à sa plainte, ses pleurs et son regret d'avoir choisi de mourir jeune et en pleine gloire. 

Trois mille ans encore, et Rimbaud répond à son âme, qui apparemment s'en inquiétait, qu'il a retrouvée cette éternité - "C'est la mer allée avec le soleil" - célébration de la nature, qui lui permettra de devenir "un opéra fabuleux"...
Tout cela dans une Saison en enfer... encore et toujours...

Plus aucun dieu à célébrer semble t-il, auprès duquel chercher ou quémander une éternité aléatoire...

Au point que le pourtant très catholique - et croyant, ce qui n'est pas incompatible...- Warhol crut possible de fixer une durée à l'éternité : un quart d'heure ! Et pour tous !
Au prix d'un changement de nom : elle s'appelait dorénavant gloriole... 

Nous avons les éternités que nous méritons.
Et les enfers correspondants.
Mais pour qui se souvient de la rencontre d'Ulysse avec Achille en ces lieux, il y a bien longtemps qu'il n'y a rien d'autre de mieux à faire que chercher ici. 
Et maintenant.


Big Sur. California.




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