La machine à coudre et le parapluie. Saison 2.

C'est exactement ça, comme le suggère dans son étincelante préface Pierre Guglielmina : la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ! Chez Lautréamont ...
Warhol & Hitchcock : vu le casting, on est à des années-lumière des interviewers incultes contemporains s'adressant aux fond de tiroirs de la dite culture - contemporaine elle aussi. 
Sur les plateaux télé, mais pas seulement.

New York City, Park Lane Hotel, Avril 1974. Ça a débuté comme ça - ou presque :
Warhol : Je vais mettre mon magnétophone en marche, mais je ne sais pas quoi dire. 
C'est très dur de parler, n'est-ce pas ?
Hitchcock : Huhummm....
Warhol : Oh, je sais.

Et ça se poursuit comme une partie d'échecs entre deux intelligences au laser, deux cathos manipulateurs, cyniques revenus de presque tout, dépourvus de compassion, chacun faisant son show dans son monde et son imaginaire, évitant perfidies et chausse-trappes. Et malgré cela, nous assistons à un véritable dialogue ! Avec vue sur Central Park...
Faut dire que l'estime - et l'admiration chez au moins l'un d'entre eux... - est réciproque ! Ça aide...

On va donc croiser les blondes hitchcockiennes "très froides" jusqu'au moment "où elles entrent en action", Marilyn, "dont la sexualité est suspendue autour du cou comme des bijoux", une thèse sur la personne de Jack l'Éventreur qui vaudrait à Hitchcock un procès en sorcellerie de nos jours, un échange autour d'un Polaroïd dont Warhol voit illico le futur intérêt - pas seulement artistique..- dont l'autre n'est pas dupe.

Mais aussi les habituels papotages vachards d'Andy :
Warhol : "Vous savez, je viens de faire la connaissance de la duchesse de Windsor à un dîner, l'autre soir. je ne savais pas quoi lui dire et je n'ai donc rien dit, et elle a pensé que j'étais un intellectuel. À présent, elle veut me revoir. (...) L'avez-vous jamais rencontrée ?"
Hitchcock : "Non. Jamais."
Warhol : "Je pensais que vous l'aviez peut-être rencontrée..."

Mais encore, manifestement excédé par un développement jugé trop long du réalisateur sur les raisons de la violence criminelle en Angleterre et les modifications de l'usage du revolver, Warhol croit bon de se mousser et mettre sur la table la tentative d'assassinat dont il fut l'objet en 1968 de la part de Valerie Solanas - "Euh, on m'a tiré dessus à coup de pistolet et cela fait l'impression d'être dans un film. (...) Tout le truc est encore comme un film pour moi".
Et Hitchcock, nullement impressionné, de lâcher - on imagine la lippe encore plus dirigée vers le sol - :"Oui. Oui. La plupart du temps, c'est fait de manière compulsive. Vous savez..."

Bref, pour qui aime l'un et / ou l'autre, ou plus généralement l'intelligence à l'oeuvre, un véritable régal !

Deux bonus tracks pour les amateurs :
1- Hitchcock sur la littérature noire américaine "Ici (aux USA) c'est une littérature de seconde classe et on ne peut nommer que quelques auteurs de romans policiers très connus - Dashiell Hammett, Raymond Chandler, Ross MacDonald... Mais il n'y en a pas beaucoup qui viennent à l'esprit."
2- Hitchcock encore, qui livre à un Warhol interloqué, le secret du MacGuffin tel qu'il l'avait donné à Truffaut dans les fameux entretiens de 1967...








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