Miles, la cruche, le torchon.

Début 87.
Miles Davis et son épouse de l'époque Cicely Tyson sont conviés par la Maison-Blanche à une fête donnée à Washington en l'honneur de Ray Charles et "d'un certain nombre d'autres personnalités".

Le genre de cérémonies que Miles dit "détester", même si ses rapports personnels avec Ronald et Nancy Reagan sont cordiaux et plus - ici lors d'une précédente reception à un dîner de charité le 15 juin 84. 


Cordiaux au point que Miles a, sur "Then there were none" - album You're under arrest, 85 - fait figurer "des sons de flamme, de vents hurlants" évoquant une explosion nucléaire, suivie d'une exclamation plutôt complice à l'adresse de Reagan : "Ron, je t'avais dit d'enfoncer l'autre bouton…".

Dîner à la Maison Blanche. "Reagan was nice to us, respectful and everything. But Nancy is the one who has the charm between those two. She seemed like a warm person. She greeted me warmly and I kissed her hand. She liked that."

Ça se gâte ensuite, lorsqu'il se retrouve attablé en compagnie d'une cruche totale : "At the table where I was sitting, a politician’s wife said some silly shit about jazz, like “Are we supporting this art form just because it’s here in this country, and is it art in its truest form, or are we just being blasé and ignoring jazz because it comes from here and not from Europe, and it comes from black people?” 

Connerie à connotation raciste d'une épouse de politicien WASP qui ne peut laisser Miles insensible : "I don’t like questions like that because they’re just questions from someone who’s trying to sound intelligent, when in fact they don’t give a damn about it. I looked at her and said, “What is it? Jazz time or something? Why you ask me some shit like that?”. 
En un mot : J'aime pas ce genre de questions. Qu'est-ce que vous venez m'emmerdez ici avec ce genre de conneries sur le jazz ?"
L'ignare ne se démonte pas : “Well, you’re a jazz musician, aren’t you?”
Miles : “I’m a musician, that’s all”.
C'est tout et voilà qui devrait suffire.

Pas pour l'autre qui renchérit, cerise sur le gâteau de la bêtise : 
“Well, what have you done that’s so important in your life? Why are you here?”, s'étouffant presque de la présence d'un musicien - noir - à une telle soirée !

"Eh bien, j'ai changé le cours de la musique à cinq ou six reprises, et pour cela il ne suffit pas de jouer des compositions de Blancs". (“Well, I changed music five or six times, so I guess that’s what I’ve done and I guess I don’t believe in playing just white compositions.”)
Puis Miles de rajouter : " Maintenant, vous, dites-moi ce que vous avez pu accomplir d'important hormis le fait d'être blanche - ce qui n'a aucune importance à mes yeux -, et à quel titre vous pensez devoir être célèbre ?" (“Now, tell me what have you done of any importance other than being white, and that ain’t important to me, so tell me what your claim to fame is?”)
Silence. Fin de l'incident.

Miles n'indique à aucun moment dans ses mémoires l'identité de son interlocutrice, se contentant de montrer sa suffisance raciste et son inculture crasse.

Plus tard, avec le souci de l'exactitude des faits, de l'objectivité dans la relation, le quotidien Libération - l'autre grande conscience de la presse française - rendra compte de cette histoire comme suit ( édition du 23 août 2018 ) :
"Un dîner à la Maison Blanche, du temps de Ronald Reagan."
(...) "La First Lady se tourne vers Davis (période afro gélifiée et lunettes rétroviseur) qu'elle ne remet pas. Nancy Reagan badine et demande ce que l'invité a apporté à l'Amérique pour mériter pareille attention. "Eh bien, aurait répondu Miles, j'ai changé le cours de la musique cinq ou six fois. 
Et vous ? A part baiser le Président ?"

Pure invention des faits et vulgarité du propos pour bien s'inscrire dans  le politiquement correct qui exige que Mme Reagan - "a warm person" sous la plume de Miles - t une simple salope inculte et raciste, ce qui suffit à assurer sa place à la Maison-Blanche.
Et lâcheté du rédacteur que ce fielleux "aurait répondu Miles", alors qu'il suffisait de se reporter au texte de ses Mémoires parus aux USA en 2007 et en France en 2017 : l'esprit Libé en somme !

Je ne sais pas pourquoi, mais la relation de tout cela par Miles me paraît plus digne de foi...





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