Céline, Heidegger, Finkielkraut.

Retrouvé ceci dans la première livraison ( 1990 ) de l'Année Céline ( Du Lérot Éditeur ) :
"L’antisémitisme obsessionnel de Céline suffit-il à discréditer son œuvre  ? Non, protestent horrifiés les intellectuels d’Art Press et de la Règle du jeu, ceux-là mêmes qui s’emploient, avec la véhémence la plus acharnée, à exclure Heidegger de la culture. 
Or, il n’y a dans l’œuvre philosophique de Heidegger nulle trace d’antisémitisme, ni dans sa vie de geste équivalent à celui de Céline se plaignant à Otto Abetz de la mansuétude des nazis envers les juifs. Pourquoi faire ainsi deux poids, deux mesures, sinon pour perpétuer à l’ombre propice de la Shoah la vieille et imbécile querelle du style français contre la lourdeur allemande”,
extrait d’un article d’Alain Finkielkraut paru dans le Figaro littéraire en date du 29 octobre 1990  : "Pourquoi Heidegger et pas Céline ?" 

Certes, à cette date, il est impossible au cher Finkie - aucune ironie, juste une manière d’affection - de connaître les publications ultérieures de divers écrits qui ont le plus clairement du monde établi le caractère éminemment nazi de ceux-ci. Ainsi des "Carnets noirs", publiés depuis 2013, qui regorgent de propos et notations antisémites.

Pourtant, dès novembre 1946, et un article paru dans "Les Temps modernes", plus qu’un soupçon déjà : tout esprit curieux de l'œuvre, donc de la vie du "plus grand philosophe du XXème siècle" dit-on, ne devait rien ignorer de son adhésion volontaire et ininterrompue au parti nazi de 1933 à 1945, historiquement établie et contestée par aucun observateur sérieux, en dépit des tentatives de falsifications menées dès 1945 par Heidegger lui-même. 

Distraction du cher Finkie ? Comme Sartre en 1933 à Berlin, qui, à la différence d'Aron, n'avait rien vu ni entendu du nazisme triomphant... 
Possible, mais regrettable.

Ceci encore :  "Il faudrait se demander sur quoi est fondée la prédestination particulière de la communauté juive pour la criminalité planétaire", de la plume même d'Heidegger, qui n’a pu échapper à notre philosophe, d'ordinaire lecteur attentif et vigilant.

Dès lors, naïveté, paresse, jobardise d'une très grande partie des intellectuels français de l'après-guerre ont permis d'entretenir l'illusion autour d'Heidegger, dans le sillage et sous l'influence de sa maîtresse Hannah Arendt...

"Heidegger : 102 volumes d’œuvres complètes pour essayer de démontrer, avec la complicité d’une grande quantité de crétins de gauche, surtout français, six mots: "la suprématie de la race allemande". J'en ai égaré la référence - ami lecteur, si jamais... 
Voilà qui pourrait résumer en peu de mots la "question Heidegger".

Reste que Heidegger fut incontestablement, et de façon continue,  nazi. Et que Céline, viscéralement anti-allemand parce qu'anti-boche - la guerre de 14 étant passée par là... - ne le fut pas.
Antisémite, anti-démocrate, anti-républicain, anti tout ce qu'on voudra.
Mais pas nazi.

Pour finir, souffrez, cher Alain - vous permettez ?... - qu'existe bien une différence abyssale entre "le style français et la lourdeur allemande".
Relisez-donc l'hommage que rendit Nietzsche à La Rochefoucauld et aux moralistes français...







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