Couic.

"La recette-Houellebecq, son assurance-succès, sa martingale : un style froid couleur béton et serti d’obscénités… Des imparfaits du subjonctif négligemment disposés en guirlandes autour d’un décor hivernal-humide… Une métaphysique urbaine, très asphalt jungle, avec des trouées poétiques crachées en contretemps… Du sexe – banal, imaginatif, éventuellement zoophile – exploré avec naturel afin de suggérer au lecteur électrifié par ces audaces de pensionnat que l’auteur a fait le tour de la question, qu’il en a vu d’autres, que son expérience en remontrerait à plus d’un… Pour s’offrir enfin un filet de sécurité en cas de chute ou d’accident narratif, l’auteur n’hésite pas à payer de sa personne : d’où cette mine défaite, ce dos voûté, cette mâchoire dépeuplée, ce torse creux, ces cernes surlignés… Qui oserait refuser son admiration-pitié à ce prosateur heureux du monde qui a eu le génie de se déguiser en damné de la vie ? Les écrivains habiles ont toujours besoin de compléter leur esthétique par une physiologie qui en serait le prolongement. À moins que ce ne soit l’esthétique qui, dans le tréfonds, ait obéi à ce que la physiologie de l’écrivain a originellement prescrit. La littérature, désormais ? L’ombre portée d’un corps – and no more…"

Jean-Paul Enthoven, Lignes de vie, Grasset. (2022).


On dit que le choix d'un Nobel de littérature français devait s'opérer entre Madame Annie Ernaux et Monsieur Michel Houellebecq.
Charybde et Scylla...
La première ne laissant à personne d'autre le soin de se démonétiser, abandonnons donc le plaisir de l'exécution du second, froide et élégante, à Monsieur Enthoven. Jean-Paul.

Il est permis, et conseillé pour qui serait intéressé, de trouver un peu de beauté du côté de Brian Eno : son dernier opus, vieux d'une semaine, en regorge.

Extrait : There were bells.

Commentaires

  1. Je reste assez persuadé que ce sont les descendants des contempteurs de Baudelaire qui l'idolâtrent aujourd'hui et éreintent un Houellebecq que leurs lointains rejetons à leur tour adoreront.*
    Enthoven étant né avec une belle gueule (bah oui ça compte), son attaque est un peu mesquine. Il est dommage qu'une critique ne soit très souvent qu'un concours de "joujoux" (pour rester poli et dans Baudelaire ^^). Et puis je trouve qu'il y aurait de la noblesse à évoquer aussi les qualités de son "ennemi" plutôt qu'à le dézinguer intégralement.
    Nous ne serons pas d'accord cette fois (mais est-ce si grave ?).
    J'ai beaucoup et pendant longtemps dénigré M. H. alors que je l'avais bien peu fréquenté. Et puis j'ai tout lu. Et été un chouia secoué par des pages assez merveilleuses. Même si froides, désespérées (pas toujours). Par exemple dans son dernier roman les cent dernières auraient suffi à faire un très beau et très émouvant petit livre. Bien sûr il faut en introduction se taper les six cent premières qui sont un peu... hirsutes (toutefois pas déplaisantes à lire en ce qui me concerne).
    Quant à ces histoires de prix, Nobel ou autre, en tant que lecteur je n'en ai jamais ressenti le moindre effet. La valeur d'un prix... Je citerai Valéry (in "Ego scriptor") : "Ils m'ont élu le plus grand poète par 3 145 voix. Or je ne suis ni grand, ni poète, ni eux 3 000, mais bien 4 dans quelque café."

    * Bon évidemment j'exagère et généralise un tantinet ^^

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    1. D'accord avec vous sur la valeur - ou pas - d'un Nobel de littérature.
      Pour le reste, j'ai lu fort peu de choses de Houellebecq, et m'abstiens dès lors de tout dénigrement à son égard.
      De ce que je sais des propos que je l'ai vu tenir du temps où j'écoutais la radio et regardais "la télé", il ne m'a à aucun moment intéressé ... j'avais déjà Schopenhauer, Céline et Cioran dans ma besace...
      Et bien sûr, son aspect physique m'est indifférent.
      Reste que je le tiens pour une fausse valeur en ces temps de dèche : il a toutes ses chances de décrocher le Nobel et ce qui l'accompagne...

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  2. "Fausse valeur", oui, il m'est arrivé (et m'arrive encore) de penser ça. Je pense que pour juger sa "marque" nous manquons de recul et qu'elle reste assez noyée dans le magma contemporain (qui ne m'intéresse guère). Et effectivement sa trace médiatique (qui m'a longtemps fait reporter sa fréquentation) peut être assez "dissuasive". Mais je crois que de se frotter à ce milieu corrosif (tv, radio, etc.) lui ont fait sécréter une sorte de nacre cynique et provocatrice. Il ne serait pas le premier.
    Je suis très attaché à sa poésie (oui, c'est pas souvent qu'on entend ça, mais j'aime vraiment un certain nombre de ses poèmes. Et ce ne sont jamais ceux que les médias citent ; ces derniers optent toujours pour un quatrain porno naze ou une entrée anecdotique méchante et/ou ridicule).

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