Marlowe, socialiste ?

On - ce qui tenait lieu en ces temps de critique littéraire - bassinait souvent Chandler avec des questions plus nulles et sans intérêt les unes que les autres : Marlowe misanthrope ?, réac ?, de gauche ?, impuissant ?, pervers sexuel ?, et autres billevesées.
Un truc en particulier l'exaspérait : quid de la conscience sociale  ( "social conscience" ) de notre héros ?
Réponse dans une lettre à Dale Warren, en date du 7 janvier 1945 :

"Marlowe has as much social conscience as a horse. He has a personal conscience, which is an entirely different matter. (...) There was even a bird who informed me I could write a good proletarian novel; in my limited world there is no such animal, and if there were, I am the last mind in the world to like it, being by tradition and long study a complete snob. 
Philip Marlowe and I do not despise the upper classes because they take baths and have money; we despise them because they are phony. And so on."
Tiré de Raymond Chandler speaking (1969).

"Marlowe en a autant qu'un cheval, de conscience sociale. Il a une conscience personnelle, ce qui n'a absolument rien à voir. (...)

Il y a même eu un farfelu pour me dire que je pourrais écrire un excellent roman prolétarien; dans mon petit univers, un truc comme ça n'existe pas, et si ça existait, je serais le dernier à l'apprécier, étant par tradition et par un long apprentissage, un snob accompli.

Philip Marlowe et moi n'avons pas de mépris pour les classes supérieures parce qu'elles se prélassent dans leur bain et ont du fric; on les méprise parce qu'elles sonnent creux. C'est tout."

© traduction maison.

Ce qui, en somme, pourrait également être une réponse aux trois premières interrogations mentionnées supra...

Pauvre Marlowe, qui n'a pu échapper à la pire adaptation d'un roman de Chandler : 1969, "Marlowe" de Paul Bogart - en français "La valse des truands" ( ! ) - incarné par le bovin James Garner.

Chandler, lui, n'eut pas à s'en offusquer : il était mort dix ans plus tôt.

"Muy Privado" ! Tu parles...