Japonais absent.
Un texte qui a tout pour faire fuir le fat niais qui ira compatir aux malheurs de Marie Darrieussecq et de Leila Slimani en leur confinement et trouver asile dans leur vide sidéral.
Une trentaine de pages pour happy few.
Encore que... je ne serai pas étonné que le fat ne les érige en un élément incontournable de branchitude littéraire si par malheur, il mettait la main dessus...
Mais enfin, tant que nous sommes entre nous...
Magnifique, dénué de toute prétention et de toute superbe, d'une lecture fluide et aisée, rien pour séduire l'amateur de sexe, de violence, de thématiques sociétales migratoires, racialistes, féministes etc., d'imprécations climatiques, d'eschatologie environnementale, de moraline.
Presque un traité de sagesse, sans la pesanteur hypocrite et intéressée des vendeurs de traités de bonheur et de manuels de bien-vivre.
For the happy few, vraiment.
Hôjô-Ki en est le nom.
Temps de calamités naturelles également, tremblements de terre, ouragans, incendies, épidémies...
Kamo no Chōmei, l'auteur, attache, lui, moins d'importance aux secousses politiques qu'aux soubresauts de la nature.
Fils d'un prêtre shintoiste, desservant du sanctuaire Kamo de Kyōto, membre d’une famille de petite noblesse religieuse, c'est une sorte de nouvel Héraclite qui se voit confronté à "l’impermanence de toutes choses en ce monde et la précarité de ma propre vie": "la même rivière coule sans arrêt, mais ce n’est jamais la même eau. De ci, de là, sur les surfaces tranquilles, des taches d’écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s’attarder longtemps. Il en est de même des hommes ici-bas et de leurs habitations".
Comment faire face à la gravité des temps ? C'est l'objet de la seconde partie de cette autobiographie.
Abandonner le monde, vivre en reclus : car "ceux qui possèdent beaucoup, doivent craindre beaucoup. Ceux qui sont dépourvus, doivent souffrir beaucoup. Si l'on doit recourir aux autres, on devient leur esclave ; si l'on a à s'occuper des autres, on est victime de l'amour qu'on leur porte ; si l'on se conforme aux usages du monde, on ne peut qu'en souffrir ; si l'on n'en tient pas compte, on a l'air d'un fou. Où faudrait-il s'installer, que faudrait-il faire, pour être un peu tranquille, et pour goûter ne serait-ce qu'un instant le contentement du coeur ?
Par la suite, privé de relations, réduit à la pauvreté, je dus souvent vivre retiré loin du monde et, finalement, ne pouvant plus demeurer là, à trente et quelques années, il me vint à l'idée de me construire un ermitage."
Pour cela "une toute petite bicoque" suffira : "Si je constate que même les cerfs des sommets de la montagne s'approchent tout près de moi sans crainte, je comprends à quel point je suis loin du monde."
Cadre idéal que cette bicoque, "pour goûter un instant le contentement du cœur" en y menant une existence frustre faite de contemplation des paysages, de poésie et de musique : Fort de la possession de quelques livres et d'un instrument de musique, voilà Kamo no Chōmei apaisé en son ermitage, nous transportant du côté des épicuriens : "Je me connais, je connais le monde, je n'en attends rien, je ne me mêle pas à lui, je me contente de désirer ma tranquillité et j'estime que le bonheur consiste dans l'absence des soucis. (...) Depuis que j'ai quitté le monde, et que j'ai choisi la voie du renoncement, je me sens libre de toute haine comme de toute crainte. J'abandonne ma vie au destin, je ne désire, ni vivre longtemps, ni mourir vite. J'assimile ma vie à un nuage inconsistant, je n'y accroche pas mon espoir et n'éprouve pas non plus de regret. Pour moi le plaisir suprême est celui que j'éprouve sur l'oreiller d'une sieste paisible, et l'ambition de toute ma vie est de pouvoir, selon les saisons, contempler un beau paysage."
Doit-il momentanément le quitter ? : "Quand je dois me rendre à la capitale j'éprouve l'humiliation de n'être qu'un moine mendiant mais une fois rentré chez moi, je plains tous ceux qui sont esclaves des choses terrestres."
Joie d'être au monde, faite aussi de moments de tristesse qui lui font "mouiller sa manche de ses larmes" au son des cris des singes, songeant à ses amis perdus.
Toujours cependant sur fond d'impermanence des choses : "parce que les demeures humaines et leurs habitants rivalisent d'impermanence, disparaissent, et nous font penser à la rosée sur le liseron du matin. Tantôt la goutte de rosée tombe et la fleur demeure ; la fleur demeure sans doute, mais bientôt se fane elle aussi aux rayons du soleil levant. Tantôt la fleur se replie sur elle-même, tandis que la rosée demeure ; la rosée a beau demeurer, elle ne dure jamais jusqu'au soir. (...)
"Quoiqu'il en soit, pendant que, d'année en année, ma vie déclinait, ma demeure se rapetissait peu à peu." (...) A la veille d'entrer dans les ténèbres de la mort, pourquoi me préoccuper de tant de choses ? L'essentiel de l'enseignement de Bouddha aux hommes est qu'il ne faut pas s'attacher aux choses de ce monde. Même le fait d'aimer ma chaumière devient un péché ; et mon attachement à ma tranquille solitude est aussi un obstacle à ma libération. Comment puis-je employer un temps si précieux à raconter des satisfactions inutiles ?"
Comment en effet ?...
Abandonner le monde, vivre en reclus : car "ceux qui possèdent beaucoup, doivent craindre beaucoup. Ceux qui sont dépourvus, doivent souffrir beaucoup. Si l'on doit recourir aux autres, on devient leur esclave ; si l'on a à s'occuper des autres, on est victime de l'amour qu'on leur porte ; si l'on se conforme aux usages du monde, on ne peut qu'en souffrir ; si l'on n'en tient pas compte, on a l'air d'un fou. Où faudrait-il s'installer, que faudrait-il faire, pour être un peu tranquille, et pour goûter ne serait-ce qu'un instant le contentement du coeur ?
Par la suite, privé de relations, réduit à la pauvreté, je dus souvent vivre retiré loin du monde et, finalement, ne pouvant plus demeurer là, à trente et quelques années, il me vint à l'idée de me construire un ermitage."
Pour cela "une toute petite bicoque" suffira : "Si je constate que même les cerfs des sommets de la montagne s'approchent tout près de moi sans crainte, je comprends à quel point je suis loin du monde."
Cadre idéal que cette bicoque, "pour goûter un instant le contentement du cœur" en y menant une existence frustre faite de contemplation des paysages, de poésie et de musique : Fort de la possession de quelques livres et d'un instrument de musique, voilà Kamo no Chōmei apaisé en son ermitage, nous transportant du côté des épicuriens : "Je me connais, je connais le monde, je n'en attends rien, je ne me mêle pas à lui, je me contente de désirer ma tranquillité et j'estime que le bonheur consiste dans l'absence des soucis. (...) Depuis que j'ai quitté le monde, et que j'ai choisi la voie du renoncement, je me sens libre de toute haine comme de toute crainte. J'abandonne ma vie au destin, je ne désire, ni vivre longtemps, ni mourir vite. J'assimile ma vie à un nuage inconsistant, je n'y accroche pas mon espoir et n'éprouve pas non plus de regret. Pour moi le plaisir suprême est celui que j'éprouve sur l'oreiller d'une sieste paisible, et l'ambition de toute ma vie est de pouvoir, selon les saisons, contempler un beau paysage."
Doit-il momentanément le quitter ? : "Quand je dois me rendre à la capitale j'éprouve l'humiliation de n'être qu'un moine mendiant mais une fois rentré chez moi, je plains tous ceux qui sont esclaves des choses terrestres."
Joie d'être au monde, faite aussi de moments de tristesse qui lui font "mouiller sa manche de ses larmes" au son des cris des singes, songeant à ses amis perdus.
Toujours cependant sur fond d'impermanence des choses : "parce que les demeures humaines et leurs habitants rivalisent d'impermanence, disparaissent, et nous font penser à la rosée sur le liseron du matin. Tantôt la goutte de rosée tombe et la fleur demeure ; la fleur demeure sans doute, mais bientôt se fane elle aussi aux rayons du soleil levant. Tantôt la fleur se replie sur elle-même, tandis que la rosée demeure ; la rosée a beau demeurer, elle ne dure jamais jusqu'au soir. (...)
"Quoiqu'il en soit, pendant que, d'année en année, ma vie déclinait, ma demeure se rapetissait peu à peu." (...) A la veille d'entrer dans les ténèbres de la mort, pourquoi me préoccuper de tant de choses ? L'essentiel de l'enseignement de Bouddha aux hommes est qu'il ne faut pas s'attacher aux choses de ce monde. Même le fait d'aimer ma chaumière devient un péché ; et mon attachement à ma tranquille solitude est aussi un obstacle à ma libération. Comment puis-je employer un temps si précieux à raconter des satisfactions inutiles ?"
Comment en effet ?...
Héraclite et l'impermanence, l'Écclésiaste et la vanité des choses humaines, Épicure et la modération en toutes choses en un seul homme, de l'autre côté du monde.
KAMO no Chōmei. Hôjô-Ki - Notes de ma cabane de moine. (1212).
Traduit du japonais et annoté par le Révérend Père Sauveur Candau. Editions Le Bruit du Temps, 2010.
Musique : Brian & Roger Eno. Spring Frost. (Mixing Colours, 2020).
On insiste: tout l'album est magnifique...
https://youtu.be/U3qc_Hvf51Y
Musique : Brian & Roger Eno. Spring Frost. (Mixing Colours, 2020).
On insiste: tout l'album est magnifique...
https://youtu.be/U3qc_Hvf51Y
Une belle lecture sous un titre assez "libè":-) ... Qu'un certain autre auteur préférant la compagnie de ses chats resuma en une phrase magistrale à la lumière de bougies de la ciergerie de Lisieux"Maintenant, foutez-moi la paix.". Des Confinements choisis.
RépondreSupprimerDear, si influence - consciente ou pas - il y a, elle serait sans doute à rechercher du côté du San Antonio - période Frédéric Dard - dont j’étais lecteur assidu du temps de mon adolescence, lointaine certes, mais enfin...
SupprimerQuant au torchon auquel vous faites référence, je me contente, par mon obole fiscale, d’assurer sa survie à coup de subventions, comme des millions d’autres contribuables qui n’en peuvent mais...
Et je me contente d’un seul chat... mais il s’agit d’Arthur !😉